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Le nouvel article L. 5211- 40- 2 du CGCT : des objectifs louables mais un texte imprécis et critiquable

Le 10 août 2020
Le nouvel article L. 5211- 40- 2 du CGCT : des objectifs louables mais un texte imprécis et critiquable
La réforme introduite par l’article 8 de la loi du 27 décembre 2019, certes motivée par de louables préoccupations de transparence et de démocratie, soulève des interrogations de fond et pose de nombreux problèmes pratiques de mise en œuvre.

L’article  L. 5211-40-2 du CGCT, créé par l’article 8 la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dans le but de « permettre aux élus locaux de s'accorder sur le fonctionnement quotidien de leur établissement public de coopération intercommunale »[1], élargit le droit d’information des élus des communes membres de ces organismes :

 

« Les conseillers municipaux des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale qui ne sont pas membres de son organe délibérant sont informés des affaires de l'établissement faisant l'objet d'une délibération.

Ils sont destinataires d'une copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires ou aux membres du comité syndical avant chaque réunion de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale accompagnée, le cas échéant, de la note explicative de synthèse mentionnée au premier alinéa de l'article L. 2121-12. Leur sont également communiqués les rapports mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 2312-1 et au premier alinéa de l'article L. 5211-39 ainsi que, dans un délai d'un mois, le compte rendu des réunions de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale.

Si la conférence des maires émet des avis, ceux-ci sont adressés à l'ensemble des conseillers municipaux des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale.

Les documents mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du présent article sont transmis ou mis à disposition de manière dématérialisée par l'établissement public de coopération intercommunale.

Ces documents sont consultables en mairie par les conseillers municipaux, à leur demande.

Le présent article s'applique aux membres des organes délibérants d'un établissement public de coopération intercommunale ou d'une commune membre d'un syndicat mixte qui ne sont pas membres de son comité syndical. »

 

1.     L’objectif du Législateur : élargir le droit à l’information des élus dans le cadre de l’intercommunalité

Le nouvel article L. 5211-40-2, d’origine gouvernementale, élargit le droit à l’information des élus, qui ne bénéficie plus aux seuls délégués de la commune représentant celle-ci au sein de l’organisme mais à l’ensemble des conseillers municipaux des communes membres.

 

Le projet de loi initial[2] marquait l’intention du Gouvernement de faire bénéficier les conseillers municipaux non conseillers communautaires des seuls EPCI à fiscalité propre « d’une information plus personnalisée et plus complète, afin qu’ils puissent suivre de manière plus optimale les travaux de l’EPCI à fiscalité propre auquel leur commune est rattachée. »[3]

 

 Ce souci était motivé par le constat que si « les dispositions relatives à l’information des conseillers municipaux … sont riches et nombreuses … toutefois, elles paraissent encore insuffisantes à satisfaire l’exigence de garantir un niveau d’information le plus exhaustif et complet possible des conseillers municipaux sur l’activité de la structure intercommunale dont leur commune est membre, et qui est chargé à ce titre de la mise en œuvre de politiques publiques particulièrement nombreuses et structurantes.»[4]

 Afin de répondre aux objectifs précités, le texte du projet de loi prévoyait[5] :

 -        De créer un article L. 5211-63 du CGCT disposant que les conseillers municipaux non élus communautaires des EPCI à fiscalité propre sont destinataires, de manière dématérialisée, d’une copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires de ces établissements, cet envoi pouvant être réalisé par chacune des communes membres ;

 -        De compléter l’article L. 5211-46 du même code, relatif à la communication des procès-verbaux, afin de prévoir que le compte rendu de la séance du conseil communautaire des EPCI à fiscalité propre est communiqué dans un délai de deux semaines aux conseillers municipaux, de manière dématérialisée.

 

Dans l’esprit des rédacteurs du texte, les effets économiques et financiers de ce dernier devaient être peu importants, dans la mesure où « une fois la liste de diffusion comprenant l’ensemble des conseillers municipaux établie, les envois se feront de manière dématérialisée, si bien que le coût sera minime pour l’EPCI », ce dernier ayant « la possibilité, par entente au sein du bloc communal, de confier cette tâche à chacune des communes. »[6]

 

Dans son avis sur le projet, le Conseil d’Etat a considéré que « donnant aux conseillers municipaux non conseillers communautaires le même degré d’information que celui dont disposent les conseillers communautaires (le texte) améliore utilement l’information de tous les élus du ressort de l’EPCI. »[7]

 

Le projet a connu, au fil de son parcours législatif, d’importantes modifications relatives tant au contenu du nouveau droit à l’information, qu’à ses bénéficiaires et ses modalités de mise en œuvre.

 

2.     Le texte : contenu du nouveau droit à l’information des élus

Ce contenu a évolué par rapport au projet de loi initial, qu’il s’agisse de la détermination des organismes tenus à l’information, de ses bénéficiaires ou des documents en faisant l’objet.

a.     Organismes concernés

Ainsi qu’il a été indiqué[8], le projet de loi ne concernait que les EPCI à fiscalité propre[9], à l’exclusion, donc, des syndicats de communes et des syndicats mixtes.

Dans sa version finale, le champ d’application de la loi a été étendu à l’ensemble des EPCI[10] tels que définis par l’article L. 5210-1-1-A du CGCT, donc aux syndicats de communes, mais aussi aux syndicats mixtes fermés (SMF), qui, par renvoi de l’article L. 5711-1 du CGCT, sont soumis aux dispositions communes aux EPCI dudit code[11].

 

Le dernier alinéa du nouvel article L. 5211-40-2 dispose également que :

 « Le présent article s’applique aux membres des organes délibérants d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune membre d’un syndicat mixte qui ne sont pas membre de son comité syndical. »

 

 Le texte, en prévoyant son application, de manière générique, aux membres « d’un syndicat mixte », semble donc, en première analyse, également applicable aux syndicats mixtes ouverts (SMO), qui, aux termes de l’article L. 5721-1 ont la nature d’établissement public et non d’EPCI, au régime général desquels ils ne sont pas soumis.

 

 Le nouvel article L. 5211-40 -2 figure dans la sous-section relative à la Démocratisation  et transparence[12] du chapitre du CGCT comportant les dispositions communes à l’ensemble des EPCI[13], alors que l’article 4 du projet de loi devait figurer, d’une part dans la section du chapitre précité relative à l’Information et  participation des habitants du chapitre précité[14], d’autre part dans la section Dispositions diverses[15].

 

 

L’élargissement du champ d’application du texte résulte d’un amendement sénatorial adopté en 1ère lecture, la Commission des lois du Sénat ayant, quant à elle, dans sa version du texte, conservé la restriction aux EPCI à fiscalité propre[16].

 Ainsi, c’est un amendement[17] voté en séance le 18 novembre 2019, qui a supprimé du projet de loi les mots « à fiscalité propre » et y a ajouté un alinéa étendant génériquement son application aux syndicats mixtes.

 Selon les rédacteurs de l’amendement précité, « il paraît justifié que les conseillers municipaux puissent être informés de l’ordre du jour et du compte rendu d’une réunion de l’organe délibérant de l’ensemble des EPCI – EPCI à fiscalité propre mais aussi syndicat de communes, etc. – et des syndicats mixtes dont leur commune est membre et dans lequel ils ne siègent pas », leur texte prévoyant également que « ces éléments soient également communiqués aux conseillers communautaires pour les réunions des comités syndicaux d’un syndicat mixte dont leur EPCI est membre. »[18]

 

Ces arguments ont été repris en séance, M. Hervé Maurey précisant[19] :

 « … cet article (4 du projet de loi) ne vise que les EPCI à fiscalité propre : sont ainsi exclus du champ de son dispositif quantité de syndicats – syndicats d’électricité, syndicats de collecte et de traitement des ordures ménagères, syndicats intercommunaux à vocation scolaire, etc. Or, à mon sens, rien ne justifie une différence de niveau d’information des élus selon qu’il s’agit ou non d’EPCI à fiscalité propre.

L’amendement vise donc à étendre le bénéfice du dispositif de l’article 4 à l’ensemble des syndicats et des syndicats mixtes, notamment aux syndicats dans lesquels siègent des représentants des communautés de communes. En effet, très souvent, les délégués des communautés de communes qui n’y siègent pas ne sont pas informés de ce qui s’y passe. »

 

 Si la Rapporteure du projet de loi a fait état de l’opposition de la Commission à l’amendement, elle a, en soulignant toutefois le risque que « dans quelques temps les élus … diront recevoir trop d’informations », personnellement émis un avis de sagesse[20].

 

Pour sa part, le Ministre chargé des Collectivités territoriales a émis un avis de sagesse favorable, en formulant les mêmes réserves relatives aux difficultés pratiques de mise en œuvre pour les petites structures[21].

 

L’amendement a donc été adopté, élargissant ainsi le champ d’application du nouveau droit à l’information, qui n’a pas été modifié au cours de la suite du parcours législatif.

 

b.    Bénéficiaires de l’information

Initialement, le projet de loi ouvrait le bénéfice du nouveau droit à l’information qu’il instituait aux seuls conseillers municipaux non membres des EPCI à fiscalité propre auxquels leurs communes adhèrent.

La version finale du texte élargit considérablement la liste des bénéficiaires.

Ainsi, l’article L. 5211-40-2 s’applique aux conseillers municipaux des communes membres de tous les EPCI, à fiscalité propre ou non, ainsi que des syndicats mixtes, fermés ou ouverts, mais aussi aux membres des organes délibérants d’un EPCI membre d’un syndicat mixte, qui ne sont pas membres de son organe délibérant.

Cette extension a la même origine que celle des organismes concernés, à savoir un amendement sénatorial adopté en 1ère lecture[22].

 

c.     Contenu de l’information

Là encore, le texte a sensiblement évolué au cours du processus législatif.

 

Le projet de loi ne prévoyait que la communication de certains documents, à savoir, en amont, de la copie de la convocation adressée aux conseillers communautaires, en aval du compte rendu des séances du conseil communautaire[23].

Le texte final va beaucoup plus loin.

 

Ainsi, en premier lieu, il consacre, de manière générale, un droit à l’information sur les affaires des EPCI faisant l’objet d’une délibération de leur organe délibérant au bénéfice des conseillers municipaux des communes membres qui ne siègent pas au sein de ce dernier[24].

Ce droit, introduit dans le texte par la Commission des lois du Sénat[25], est à rapprocher des dispositions de l’article L. 2121-13, rédigé en des termes très proches[26].

L’article précité implique que tous les conseillers municipaux ont droit à l’information nécessaire à la bonne compréhension des délibérations appelées à être débattues, avant leur adoption. Le Juge administratif sanctionne l’absence ou l’insuffisance d’information du conseiller par l’annulation de la délibération en cause[27].

On peut se demander si la jurisprudence fera une application identique des deux textes, ce qui impliquerait, dans le cadre de l’article L. 5211-40-2, de communiquer aux élus qui en font la demande tous documents utiles à leur bonne information et à leur appréciation éclairée des questions qui font l’objet de délibérations[28].

Il est possible d’en douter dans la mesure où la jurisprudence relative à l’article L. 2121-13 est intimement liée à la participation des conseillers municipaux à la discussion et au vote des délibérations, ce qui n’est pas le cas dans le cadre de l’article L. 5211-40-2. Le droit résultant de ce dernier devrait donc être moins étendu que celui reconnu aux conseillers municipaux.

 

En second lieu,  le texte adopté a élargi la liste des documents communiqués, qui comprend :

-        En amont, comme dans la version initiale du texte, une copie de la convocation au conseil communautaire ou au comité syndical et, le cas échéant, de la note explicative de synthèse[29], ainsi que le rapport annuel sur les orientations budgétaires[30] et le rapport annuel du Président de l’EPCI au maire de chaque commune membre[31] ;

 -        En aval, le compte rendu des décisions de l’organe délibérant de l’EPCI[32].

 

L’inclusion de la note explicative de synthèse et du rapport sur les orientations budgétaires résulte de modifications apportées en Commission des lois au Sénat[33].

L’ajout du rapport du Président de l’EPCI prévu par l’article L. 5211-39 résulte d’un amendement adopté en séance au Sénat[34], au motif que la communication directe aux conseillers municipaux permettra de mieux les informer que la communication faite par le maire en conseil  municipal déjà prévue par l’article précité.

Il est à noter que plusieurs autres extensions du contenu de la communication ont été proposées mais non adoptées.

Il en a été ainsi, notamment :

-        De la convocation aux réunions du Bureau de l’EPCI et du compte rendu des décisions de ce dernier[35] ;

 -        Des « documents annexés » à la note explicative de synthèse[36].

 

 3.     Modalités de mise en œuvre du nouveau droit

Les modalités de communication des documents visés par le texte sont différentes selon la nature de ceux-ci.

Il convient également de distinguer entre le mode de communication et ses délais.

 

a.     Mode de communication

S’agissant de l’information générale sur les affaires faisant l’objet d’une délibération[37], le texte ne comporte aucune indication sur les modalités de mise en œuvre.

On peut, par analogie avec les solutions dégagées par la jurisprudence relative à l’article L. 2121-13, supposer que le droit à l’information doit être spontanée et, à défaut, implique une demande de l’élu[38] et qu’il peut être satisfait par la consultation ou la délivrance de copies des documents[39].

 

Le mode de communication des documents visés au 2ème alinéa de l’article L. 5211-40-2[40] diffère selon la nature de ceux-ci.

D’une part, les copies de la convocation et de la note de synthèse sont directement adressées aux élus[41] de manière dématérialisée.

D’autre part, les autres documents[42] sont, soit transmis soit mis à disposition des élus, de manière dématérialisée, par l’EPCI[43].

 Ils sont également consultables dans leur mairie par les conseillers municipaux, à leur demande. Cette disposition résulte d’un amendement adopté en 1ère lecture au Sénat[44], qui visait à permettre, au-delà de l’envoi dématérialisé, la consultation d’un exemplaire imprimé des documents[45].

Il appartient alors à la commune de laisser à disposition de ses propres conseillers municipaux un exemplaire papier de l’ensemble des documents que le EPCI ou le syndicat mixte lui aura adressé pour assurer leur information.

Ainsi, la forme dématérialisée de la communication constitue la règle[46], pour des motifs de simplicité et d’économie plusieurs fois rappelés lors des débats parlementaires. Il y est toutefois fait exception pour les consultations en mairie, qui s’effectuent sous la forme d’un exemplaire imprimé ou d’un document numérique enregistré[47], de manière à « tenir compte de la précarité numérique vécue par les habitants des zones blanches … ainsi que de la difficulté, pour certains, d’utiliser l’outil numérique. »[48]

 

b.    Délais de communication

Sur ce point la loi est d’une précision inégale.

Certes elle précise que les comptes rendus des réunions de l’organe délibérant doivent être communiqués dans le délai d’un mois.

En revanche, il est simplement indiqué, pour la copie de la convocation et de la note explicative de synthèse, que la communication doit intervenir « avant chaque réunion de l’organe délibérant », sans autre précision. Aucun délai impératif n’est donc fixé, ce qui peut s’expliquer par le fait que les élus destinataires de l’information ne siègent pas à l’assemblée délibérante qui doit se réunir.

Plus encore, aucune indication de délai n’est évoquée pour la communication des rapports des articles L. 2312-1 1er alinéa[49] et L. 5211-39 1er alinéa[50].

On peut supposer que, pour le premier, la communication doit intervenir avant la tenue du débat au conseil communautaire (DOB).

Pour le second, on peut conjecturer que la communication doit intervenir au plus tard en même temps que la transmission du rapport au maire, étant précisé qu’il fera ensuite l’objet d’une communication en conseil municipal, les formalités d’information incombant alors au maire.

 

4.     Appréciation critique : un texte imprécis dans sa rédaction et aux effets pratiques mal maîtrisés

Résultat sans doute de modifications apportées en séance lors des débats parlementaires, le texte souffre d’imprécisions et de lacunes rédactionnelles et les effets pratiques de son application semblent avoir été mal anticipés.

 

a.     Des imprécisions suscitant des interrogations

Application aux syndicats mixtes ouverts :

Comme il l’a été dit plus haut[51], le dernier alinéa de l’article L. 5211 – 40 – 2 étend son application « aux membres des organes délibérants d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune membre d’un syndicat mixte qui ne sont pas membres de son comité syndical. »

 

Cet élargissement peut, tout d’abord, être critiqué sur le fond, s’agissant de l’extension de  l’obligation d’information aux membres de syndicats intercommunaux et mixtes, dans la mesure où, pour ceux-ci, ce sont les collectivités ou établissements membres du syndicat qui y désignent leurs délégués, élus par leurs organes délibérants, aux fins de les y représenter. Ils sont donc mandatés par ces collectivités et il est de l’essence même de ce mandat qu’ils rendent compte de son exécution à leur mandant, et donc informent leurs collègues qui ne siègent pas au sein de ces syndicats.

 

Ce serait donc dénaturer en quelque sorte la notion de mandat que d’imposer aux syndicats eux-mêmes une obligation d’information qui incombe normalement aux délégués au titre de leur mandat.

 

 Ensuite, au-delà de la généralité du terme « syndicat mixte » figurant dans le texte, certains éléments amènent à s’interroger sur une éventuelle inclusion des SMO dans le champ d’application.

 

En effet, ceux-ci peuvent être constitués entre des collectivités territoriales, des groupements de collectivités territoriales et d’autres personnes morales de droit public[52]. Ils peuvent donc avoir des membres qui ne sont ni des communes ni des EPCI[53].

 

Or l’article L. 5211-40-2 ne vise, au nombre des bénéficiaires auxquels le droit à l’information est étendu, que les « membres des organes délibérants d’un établissement public de coopération intercommunale ou d’une commune membre d’un syndicat mixte. »

 Cette formulation semble faire référence aux seuls SMF qui, aux termes de l’article L. 5711-1 1er alinéa, sont constitués exclusivement de communes et d’EPCI ou uniquement d’EPCI.

 

Mais ces syndicats étant, par renvoi de l’article précité, soumis aux dispositions du CGCT communes à l’ensemble des EPCI, les mentionner expressément dans le dernier alinéa de l’article L. 5711-40-2, était superfétatoire, dans la mesure où cet article figure dans le chapitre du code contenant ces dispositions communes.

 

En revanche, considérer le texte comme également applicable aux SMO aboutit à instaurer un régime discriminant entre leurs membres, selon qu’ils sont des communes ou des EPCI ou d’autres personnes morales de droit public, ce qui ne se justifie pas objectivement.

 

Les débats parlementaires n’apportent aucun éclaircissement à cet égard et l’interrogation demeure donc ouverte : le dernier alinéa de l’article L. 5211-40-2 ne vise-t-il que les seuls SMF, auquel cas l’extension est logique mais superfétatoire, ou inclut-il également les SMO, auquel cas la précision était nécessaire mais l’extension introduit des discriminations injustifiées ?

 

Difficultés de mise en œuvre pratique :

S’agissant des modalités de communication des informations, les envois dématérialisés soulèvent plusieurs interrogations que ni les rédacteurs du projet de loi ni les parlementaires ne semblent avoir appréhendées.

En premier lieu, la transmission doit-elle se faire uniquement par courriel adressé personnellement ou via un système Intranet ou est-il possible d’utiliser  d’autres voies, telles que les applications mobiles ?

En second lieu, une telle transmission implique que l’organisme émetteur, l’EPCI ou le syndicat intercommunal ou le syndicat mixte, soit en possession et traite  des données personnelles des élus, a minima leurs nom, prénom et coordonnées mail, ce qui pose la question du respect des dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD).

En principe, ces données ne peuvent être recueillies par l’EPCI en dehors de l’accord des intéressés[54] et ces derniers doivent en outre être formellement informés de leurs droits à consultation, rectification et suppression des données les concernant. On peut toutefois envisager que l’application de l’article L. 5211-40-2 constitue une exception dispensant l’organisme des obligations générales en la matière, la collecte et l’utilisation des données personnelles des élus étant liées à l’exécution d’une mission de service public dont est investi l’organisme, au sens de l’article 7-3° de la loi du 6 janvier 1978[55].

 

La mise à disposition des documents peut également générer certaines difficultés dans sa mise en œuvre.

Ainsi, tout d’abord, on peut se demander si, quand l’EPCI fait le choix de mettre à disposition et non d’adresser directement les documents autres que la convocation et la note de synthèse, il est tenu d’informer les élus de cette mise à disposition, et par quelle voie ?

Ensuite, s’agissant de la mise à disposition en mairie, le texte ne précise pas qui supporte les frais de reprographie quand les documents sont imprimés. A priori l’impression se ferait en mairie avec du matériel municipal mais l’obligation légale de communication pèse sur l’EPCI et non la  commune. Lequel des deux organismes doit assurer les coûts afférents ?

 

D’une manière générale, la mise en œuvre du nouveau droit à l’information consacré par l’article L. 5211-40-2 s’avère matériellement lourde pour les organismes qui y sont assujettis et n’est pas exempte de risques juridiques.

 

b.    Une efficience discutable : la question des éventuelles sanctions

Les éventuelles sanctions du défaut de respect des obligations de l’article L. 5211-40-2 ne sont pas indiquées par le texte.

On peut, certes, observer qu’elles constituent des dispositions garantissant le droit à l’information des élus, dont la violation est généralement sanctionnée par la nullité des délibérations, comme c’est le cas, par exemple, pour l’article L. 2121-13 relatif au droit d’information des conseillers municipaux.

Mais en l’espèce comparaison n’est pas raison car, contrairement à celles de l’article L. 2121-13 précité, les dispositions de l’article L. 5211-40-2 bénéficient à des personnes ne participant pas aux délibérations et dont le défaut d’information n’a, en conséquence, aucune incidence sur la prise de décision.

En outre, en application des principes posés par la jurisprudence Danthony[56], on peut supposer qu’un défaut d’information des élus non communautaires d’une commune membre de l’organe délibérant d’un EPCI n’entrainerait pas l’annulation des délibérations de ce dernier, dans la mesure où ce défaut d’information n’a, par définition, exercé aucune influence sur le sens de la décision  et où il n’a pas privé les élus appelés en cause d’une garantie.

 

Conclusion :

In fine la réforme introduite par l’article 8 de la loi du 27 décembre 2019, certes motivée par de louables préoccupations de transparence et de démocratie, soulève des interrogations de fond et pose de nombreux problèmes pratiques de mise en œuvre.

 

En premier lieu, l’inclusion des syndicats mixtes ouverts dans le champ d’application du texte semble plus résulter d’un défaut d’attention lors des débats parlementaires que d’une réelle volonté du Législateur. En tout état de cause l’application du nouveau droit à l’information à ce type d’organismes pose un réel problème d’égalité de traitement entre leurs membres.

 

En second lieu, la mise en œuvre du nouveau droit à l’information soulève d’importantes difficultés pratiques. Tout ne se réalise en effet pas d’un simple clic, comme il l’a été évoqué lors des débats parlementaires[57].

 

Déjà les retours de terrain révèlent les difficultés rencontrées par les EPCI et syndicats d’une certaine taille dans l’application du texte qui peut s’avérer coûteuse et chronophage.

 

On peut souhaiter que le prochain examen du projet de loi 3D[58] fournira l’occasion d’amender les dispositions trop lourdes ou obscures de la loi.

 

D’une manière générale, la genèse du texte est révélatrice des dangers d’un travail parlementaire parfois trop peu approfondi et manquant de vision d’ensemble sur les questions abordées. La matière déjà complexe de l’intercommunalité n’a pas gagné en clarté avec ce nouveau texte au contenu parfois approximatif.

 

 

 Paris, le 10 août 2020

 

Stéphane PENAUD

Avocat à la Cour



[1] Intitulé du chapitre 1er du Titre Ier de la loi, au sein desquels figure l’article.
[2] Projet de loi n° 677 relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2019.
[3] Etude d’impact du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
[4] Etude d’impact précitée. Au nombre des dispositions relatives à l’information préexistantes, l’Etude cite, en premier lieu, celles relatives au compte-rendu des séances de l’organe délibérant des EPCI (article L. 5211-1 du CGCT, renvoyant au L. 2121-25), à l’ordre du jour (renvoi de l’article L. 5211-1 précité au L. 2121-10) et à la publicité des séances (renvoi de l’article L. 5211-1 au L. 2121-18), en second lieu celles prévoyant l’information des conseillers municipaux sur les activités de l’EPCI dont leur commune est membre (articles L. 5211-39, 5211-40, 5211-40-1 et L. 2121-22), en troisième lieu enfin, celles relatives à l’information et la participation des habitants, dont bénéficient également les élus (articles L. 5211-46, L.  5211-47, L. 5211-49-1 et L. 5211-57).
[5] Dans son article 4.
[6] Etude d’impact précitée.
[7] Avis du Conseil d’Etat du 15 juillet 2019, n°398013.
[8] Cf. supra 1.
[9] A savoir les communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et métropoles.
[10] Par la suppression de la mention « … à fiscalité propre ».
[11] Articles L. 5211-1 à L. 5211-62.
[12] Articles L. 5211-36 s.
[13] Articles L. 5211-1 s.
[14] Articles L. 5211-46 s.
[15] Articles L. 5211-56 s.
[16] V. Rapport de la Commission des lois n° 12 de M. Mathieu Darnaud et Mme Françoise Gatel ; texte de la Commission des lois n°13.
[17] Amendement n° 678 du 8 octobre 2019,  présenté par MM. Maurey, Longeot, Loïc Hervé, Cigolotti, Médevielle et Pointereau, Mmes Morrin-Desailly, Perrot et Billon, MM. Prince et Delahaye, Mme Sollogoub, M. Mandelli, Mme Duranton, MM. Mizzon, de Nicolay, Canevet et Pascal Martin, Mme Vermeillet, M. Guerriau, Mme Sittler et MM. Chasseing, Poniatowski, Gremillet et Henri Leroy. L’amendement a été surtout soutenu en séance par M. Hervé Maurey.
[18] Amendement n° 678 du 8 octobre 2019, précité.
[19] Débats Sénat, 1ère lecture, séance du 18 novembre 2019.
[20] Mme Françoise Gatel, Débats Sénat 18 novembre 2019, précité.
[21] Débats Sénat 19 novembre 2019, précité. Le Ministre note que : « … sur le plan pratique, j’observe que, bien souvent, un syndicat fonctionne avec une secrétaire de mairie à temps partagé, à la différence d’un EPCI, qui a toujours des équivalents temps plein dédiés à une forme de service de la séance et des affaires juridiques. Les syndicats sont parfois « à l’os » en matière d’organisation … Je voulais rappeler cette réalité du terrain. »
[22] Plus précisément l’amendement n° 678 précité.
[23] La rédaction du projet de loi était : « Les conseillers … sont destinataires … d’une copie de la convocation… ».
[24] « Les conseillers municipaux des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale qui ne sont pas membres de son organe délibérant sont informés des affaires de l’établissement faisant l’objet d’une délibération. »
[25] Cf. Rapport n° 12.
[26] A savoir : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. »
[27] Sur les sanctions du défaut d’information cf. infra 4.
[28] Pour des décisions relatives à l’article L. 2121-13, v. CE 29 juin 1990, commune de Guitrancourt, n° 68743 ;  pour des décisions plus récentes CE 5 avril 2019, n° 416542 ; 20 mai 2016, n° 375779.
[29] Les EPCI y étant tenus, comme les communes de 3 500 habitants et plus en application de l’article L. 5211-1 3ème alinéa du CGCT. En revanche, les SMO n’y sont pas légalement astreints en l’absence de disposition spécifique et,  à défaut de renvoi par les articles L. 5721-1 et suivants, dans leurs statuts ou règlement intérieur.
[30] Auquel sont tenus, en application de l’article L. 5211-36, les EPCI comprenant au moins une commune de 3 500 habitants ou plus, ainsi que les SMO par renvoi de l’article L. 5722-1-I 1er alinéa. L’article précité prévoyait déjà que le rapport était obligatoirement transmis aux communes membres, ce qui fait apparaître les nouvelles dispositions comme quelque peu superfétatoires.
[31] Article L. 5211-39 1er alinéa du CGCT. L’inclusion de ce rapport dans les documents faisant l’objet du nouveau droit à l’information est surprenante, dans la mesure où l’article L. 5211-39 prévoyait déjà que ce rapport faisait l’objet d’une communication en conseil municipal. Ce texte figure dans les dispositions communes aux EPCI et n’est pas applicable, faute de renvoi, aux SMO.
[32] Le texte final reprenant en cela le projet de loi.
[33] V. Rapport n° 12 de la Commission des lois.
[34] Amendement n°29.
[35] Sénat Débats, séance du 18 novembre 2019. Amendement n° 488, non adopté, ayant été souligné que le Bureau est « un organe un peu particulier, qui reçoit des délégations du conseil communautaire, auquel il a l’obligation de rendre compte » (Mme Gatel, Rapporteure) et qu’il « prend des décisions qui, de toute façon, devront être entérinées par le conseil communautaire. » (Mme Anne Chain-Larché).
[36] Sénat Débats, séance du 18 novembre 2019. Amendement n° 80, retiré, l’envoi des documents annexés ayant été jugé trop lourd.
[37] 1er alinéa de l’article L. 5211-40-2.
[38] CE 29 juin 1990, commune de Guitrancourt, n° 68743.
[39] Rép. Min. n° 70785, JOAN Q, 8 avril 2002, p. 1916.
[40] A savoir copies de la convocation, de la note de synthèse, ainsi que le rapport sur les orientations budgétaires, le rapport annuel du Président et le compte rendu des réunions de l’organe délibérant.
[41] Le texte dispose que « ils sont destinataires … ».
[42] Rapports et compte rendu.
[43] Donc au choix de celui-ci et a priori à son siège.
[44] Amendement n° 82.
[45] Mme Gatel, Rapporteure, Débats Sénat, séance du 18 novembre 2019.
[46] Cf. M. Jacques Grosperrin, Débats Sénat 18 novembre 2019 : « La règle sera, très logiquement, l’envoi des documents sous forme numérique. »
[47] M. Grosperrin, Débats Sénat, séance du 18 novembre 2019.
[48] M. Grosperrin, op. cit. loc. cit. Dans le même sens, v. les interventions de Mme Victoire Jasmin, ibid.
[49] Rapport sur les orientations budgétaires.
[50] Rapport annuel du Président de l’EPCI.
[51] Cf. supra 2.a.
[52] L’article L. 5721-2 dispose à cet égard que : « Un syndicat mixte peut être constitué par accord entre des institutions d’utilité commune interrégionales, des régions, des ententes ou des institutions interdépartementales, des départements, la métropole de Lyon, des établissements publics de coopération intercommunale, des communes, des syndicats mixtes définis à l’article L. 5711-1 ou à l’article L. 5711-4, des chambres de commerce et d’industrie territoriales, d’agriculture, de métiers et d’autres établissements publics… »
[53] Par exemple un département, une région, un établissement public…
[54] Donc un simple transfert par une commune à l’EPCI de son fichier d’élus sans que ces derniers donnent leur accord ne serait pas régulier.
[55] Loi n° 78-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée.
[56] CE Ass. 23 décembre 2001, n° 335033 : « Considérant que l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu ; que, toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation ; qu'il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé à titre exceptionnel au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de celle-ci contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine ».
[57] Cf. Débats Sénat, séance du 18 novembre 2019.
[58] Décentralisation, différentiation, déconcentration.

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