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La Cour administrative d’appel de Bordeaux continue de faire évoluer le droit de la passation des DSP

Le 16 juillet 2010
La Cour administrative d’appel de Bordeaux continue de faire évoluer le droit de la passation des DSP

La Cour administrative d’appel de Bordeaux, du fait du hasard des contentieux ou de son audace, semble décidément appelée à contribuer heureusement au mouvement actuel de la nouvelle construction du droit de la passation des contrats de délégation de la gestion des services publics (CAA Bordeaux, 1er juillet 2010, SYDEC c/ SIAEP de Mugron et SA Sogedo, req , n° 08BX01968).

 

 

1 - Sur la publicité des critères de jugement des propositions des candidats

 

1 – 1 la publicité des critères imposée

 

Les principes généraux du droit de la commande publique que sont les principes d’égalité d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures nécessitent que la personne publique apporte aux candidats à l’attribution d’un contrat de délégation de la gestion d’un service public, avant le dépôt de leur offre, une information sur les critères de sélection de celle-ci (CE, 23 décembre 2009, Établissement public du musée et du domaine national de Versailles, req. n° 328827, à paraître au recueil ; contrat marché public n° 2, février 2010, com. n° 83, Philippe Rees).

 

Dans l’espèce soumise à la Cour, le juge rappelle clairement ce principe, en ces termes :

 

«  Il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l’avis d’appel public à la concurrence et du dossier de consultation, que le SIAEP de Mugron ait fourni aux candidats à l’attribution de cette délégation de service public une information sur les critères de jugement de sélection des offres ».

 

 

1 – 2 une publicité différente des critères d’appréciation qualitative et quantitative des offres

 

Selon la jurisprudence administrative, il importe que les candidats bénéficient d’une « information appropriée », c’est-à-dire que l’autorité délégante « détermine les critères d’attribution »(TA Versailles ordonnance, 28 mai 2009, société Antenna Audio, contrat marché public juillet 2009). Il ne peut et il ne saurait suffire que le contenu du cahier des charges présente un certain nombre de caractéristiques pour suppléer l’absence de précisions et d’énumérations des critères.

 

La Cour confirme cette proposition, jugeant que :

 

« Le dossier de consultation ne peut, contrairement à ce que soutient le SIAEP de Mugron, suppléer à cette omission dès lors qu’il comporte un simple rappel des caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations et des modalités formelles de prestation des offres ; par suite, la délibération litigieuse a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière ».

 

 

2 – Les motifs de choix de l’autorité habilitée à signer la convention (article L. 1411-5 du CGCT) et leur précision

 

 

En l’espèce, le Président du syndicat s’était contenté de transmettre aux membres de l’assemblée délibérante un tableau mentionnant les caractéristiques respectives de chaque offre, sans présenter l’intérêt de l’offre du candidat qu’il proposait à ses collègues de retenir. Alors que le tribunal administratif de Pau s’était montré à cet égard particulièrement tolérant, se contentant d’une analyse inductive des tableaux, sans exiger une motivation explicite, la Cour exige pour sa part un exposé explicite des motifs du choix de l’offre de l’autorité lui permettant de l’élever au rang de m »meilleure offre », au sens des dispositions de l’article L. 1411-4 du CGCT.

 

En l’absence d’une telle motivation, le juge constate que les membres de la collectivité sont insuffisamment informés, ce qui caractérise un vice de consentement.

 

 

 

3 – Sur les conséquences sur le sort du contrat des irrégularités commises

 

Selon la jurisprudence désormais traditionnelle, l’administration doit tirer les conséquences de l’annulation de l’acte détachable d’approbation de la convention en consacrant l’obligation de la résilier (CE, 1er octobre 1993, Société Le Yacht Club International de Bormes-les-Mimosas, AJDA 1993, p. 810 ; CE sect., 7 octobre 1994, Lopez, concl. R. Schwartz, RFDA 1994, p. 1090 ; TA Nantes, 11 avril 1996, Compagnie générale des transports de l’Atlantique, AJDA 1996, p. 562).

 

À cet égard, le Conseil d’État a précisé (CE, 24 mai 2001, Avrillier, CP-ACCP sept. 2001, n° 3) :

« qu’à la suite de l’annulation d’un acte détachable de la passation d’un contrat, il appartient à l’administration, selon les circonstances propres à chaque espèce et sous le contrôle du juge, de déterminer les conséquences à tirer de cette annulation ».

 

De jurisprudence constante, dès lors que les irrégularités entachant l’acte détachable au contrat ont une répercussion sur le contrat lui-même, celui-ci en est affecté et doit alors être résilié (CE, avis 1989, EDCE n° 41).

 

Pour autant, le juge administratif semble ces dernières années particulièrement sensible  à la pérennité des contrats et des relations contractuelles, érigeant au rang de principe la sécurité juridique.

 

 

En conséquence, l’illégalité de la décision de signer un marché et son annulation ne semblait plus nécessairement annulée  impliquer la fin au contrat (CAA Paris plen., 7 juillet 1999, Henri Secail, req. n° 96PA2322, concl. C. Lambert, BJDCP n° 8, p. 18).

 

Mais un mouvement pragmatique se fait jour chez les juges du fond. Dans cette veine, La Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré à la suite de la Cour de Lyon, que les irrégularités commises lors de la procédure de mise en concurrence sont suffisamment graves et que les conséquences financières pour le délégataire si peu lourdes, qu’elle ordonne aux parties de mettre fin au contrat (CAA Lyon, 14 mai 2009, Sem pour l’exploitation des réseaux d’eau et d’assainissement et la protection de l’environnement (SEMERAP), req. n° 07LY02163, AJDA 2009, p. 1831, note Jean-David Dreyfus).

 

Les juges d’appel de Bordeaux ont ainsi jugé que :

 

«  Ce défaut d’information constitue un vice affectant les conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement ; qu’il ne résulte pas de l’instruction ni que la résiliation de cette convention est susceptible d’imposer au SIAEP de Mugron de supporter une charge indemnitaire d’une importance telle qu’elle pourrait obérer sa capacité à assumer sa vocation, ni qu’il lui est impossible de prendre des mesures transitoires pour assurer la continuité du service d’alimentation en eau potable durant la période nécessaire à la passation d’une nouvelle convention d’affermage ; que, dans ces circonstances, la nullité de la convention ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général