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Utilisation des logos d’associations dans les documents de propagande d’un candidat : sanction de l’usage non autorisé de nature à créer la confusion sur l’existence d’un soutien

Le 20 mai 2021

Réf : CE 12 avril 2021, n° 445515, mentionné aux tables du Recueil

 

 Par Stéphane PENAUD, Avocat associé, cabinet KRUST - PENAUD.

 

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’Etat était appelé à juger de l’effet sur la régularité d’un scrutin municipal de la reproduction par la maire sortante, dans un document de propagande, des logos de plusieurs associations locales en illustration de son programme en faveur du secteur associatif, sans que les organismes en cause n’aient donné leur accord à cet effet.

La Haute Juridiction a confirmé l’annulation de l’élection prononcée en première instance, considérant que la diffusion de ce document constituait une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin, eu égard au très faible écart de voix entre les deux listes en présence.

 
 

Les dernières élections municipales de la commune de Notre-Dame-de-Bondeville ont été acquises au 1er tour, la liste de la maire sortante recueillant 940 voix (soit 50,43%) contre 924 (49,57%) pour la liste concurrente.

Saisi d’une protestation par un candidat de cette dernière, le Tribunal administratif de Rouen a annulé les opérations électorales.

Ce jugement a été confirmé en appel par la décision commentée au motif suivant :

« Il résulte de l'instruction que Mme E... a diffusé, au plus tard le 4 mars 2020, un document exposant le programme de sa liste, qui comportait une page intitulée " Pour nos partenaires associatifs " sur laquelle étaient reproduits, à la suite des propositions de la candidate en faveur de la vie associative, sur la moitié de la page, les logos en couleur de 36 associations locales. Si Mme E... fait valoir que la reproduction de ces logos n'avait qu'un caractère illustratif de la vie associative de la commune et qu'aucun soutien de ces associations à la liste qu'elle conduisait n'était revendiqué, l'apposition des logos de ces associations, présentées comme des partenaires associatifs sans que leur autorisation n'ait été recueillie, sur une page du programme de la liste de la maire sortante, à la suite de la présentation des propositions consacrées au développement de la vie associative de la commune, était de nature à faire accroire que la liste bénéficiait du soutien de ces associations. Dans ces conditions, la diffusion de ce document a été constitutive d'une manœuvre qui, eu égard au très faible écart de voix entre les deux listes en présence, a été de nature à altérer la sincérité du scrutin. »

Le Conseil d’Etat considère ainsi que l’utilisation, sans leur accord, des logos d’associations dans un document de propagande est générateur de confusion sur leur éventuel soutien au candidat et donc constitutif d’une manœuvre, justifiant l’annulation des élections en raison du faible écart de voix.

Cette décision rappelle que le Juge de l‘élection sanctionne les éléments de propagande tendant à induire les électeurs en erreur, notamment sur la réalité de soutiens au candidat (I).Elle donne également l’occasion de rappeler les conditions d’intervention des associations dans une campagne électorale (II).

 

I – Sanction de la propagande abusive quant à la réalité de soutiens au candidat

 

L’arrêt rapporté considère que la reproduction sur un document électoral (le programme de la liste) des logos d’associations locales sans leur autorisation est « de nature à faire  accroire que la liste bénéficiait du soutien de ces associations » et constitue donc une manœuvre (A) justifiant l’annulation du scrutin eu égard au faible écart de voix (B).

 

A.    Mention erronée ou mensongère ou confusion sur l’existence de soutiens : une manœuvre répréhensible

 

1.

Le Conseil d’Etat a considéré, en l’espèce, que la reproduction des logos d’associations sur un programme électoral pouvait induire les électeurs à penser à tort que ces dernières avaient apporté leur soutien à la liste, ce qu’il juge comme constitutif d’une manœuvre.

En cela la Haute Juridiction s’inscrit dans le cadre d’une abondante jurisprudence relative aux soutiens et investitures.

 

1.1

Ainsi, est traditionnellement considérée comme constitutive de manœuvre la mention mensongère ou erronée d’investiture ou de soutiens à un candidat.

Il en a été jugé pour :

-        La mention sur des bulletins de vote et affiches du nom et du logo d’un parti politique par un candidat, alors que ce parti avait accordé son soutien à un autre (CE 22 mai 2012, élection cantonales de Nice, n° 353310, mentionné aux tables du Recueil) ;

 

-        La revendication dans une profession de foi du soutien d’un parti, alors que le candidat de ce dernier n’avait donné aucune consigne de vote pour le second tour (CE 21 mai 1986, élections cantonales de La Ciotat, n° 70318, mentionné aux tables du Recueil) ;

 

-        L’impression et la diffusion de documents de propagande sur lesquels figurait le logo d’un parti, par un candidat qui ne bénéficiait pas de son soutien officiel (CE 3 décembre 2014, élections municipales du Pin, n° 383240) ;

 

-        La distribution d’un tract faisant état du soutien du responsable départemental d’un parti et de ce dernier, qui soutenaient en réalité une liste concurrente (CE 29 décembre 1989, élections municipales de Saint-Georges-de-Didonne, n° 108690, mentionné aux tables du Recueil) ;

 

-        L’apposition sur des documents électoraux d’une liste du logo d’un parti qui n’y avait pas consenti, le soutien de ce dernier étant revendiqué à tort (CE 1er juin 2016, élections régionales PACA, n° 395363).

 

Dans les espèces ci-dessus rapportées il est constant que les candidats avaient expressément et de manière mensongère fait état de soutiens dont ils ne bénéficiaient pas. La manœuvre était donc nettement caractérisée.

 

1.2

La caractérisation de manœuvres n’est cependant pas toujours aussi aisée et peut s’avérer délicate, par exemple quand les dissensions au sein d’un parti ou d’un mouvement politique aboutissent à des soutiens multiples ou des changements de soutien.

Devant de telles situations, le Juge de l’élection fait preuve de pragmatisme, recherchant si la mention inexacte ou imparfaitement exacte d’un soutien ou d’une investiture a été de nature à tromper les électeurs et influer sur leur vote.

 

Il a ainsi été jugé que n’était pas de nature à fausser la sincérité du scrutin l’apposition sur un tract distribué pour le second tour d’une élection, à l’issue immédiate du premier, du logo d’un parti  ayant investi le candidat pour le premier tour, « en l’absence de désaveu de cette investiture à la date à laquelle le tract a été diffusé » (CE 26 novembre 2008, élections municipales de Nuits-Saint-Georges, n° 317996).

Une décision similaire a été rendue dans le cas d’un candidat soutenu par la section locale d’un parti dont la fédération départementale appelait à soutenir un autre candidat, dans la mesure où le « tract litigieux faisait apparaître clairement que le soutien dont se prévalait (le candidat) émanait de la seule section locale », le document n’ayant donc « pas eu un caractère mensonger » (CE 27 mars 2009, élections cantonales de Châlons-en-Champagne, n° 321928).

Dans le même sens, le Conseil d’Etat a considéré, dans le cas d’un candidat ayant maintenu sa liste au second tour avec le logo du parti l’ayant investi au premier mais dont les instances départementale et nationale soutenaient un autre candidat au second, que le maintien de l’utilisation du logo « ne peut être regardé comme constitutif d’une manœuvre destinée à égarer les électeurs », alors que les instances précitées n’avaient pas demandé au candidat de ne plus se prévaloir du soutien du parti et d’en utiliser le logo ni ne lui avaient retiré officiellement leur soutien (CE 20 juillet 2016, élections municipales de Noisy-le-Grand, n° 398297).

Enfin, il a été jugé que « ne s’est livrée à aucune manœuvre » la liste ayant fait figurer sur sa profession de foi le soutien d’une personnalité ayant ultérieurement retiré ce soutien (CE 14 décembre 1977, élections municipales de Revonnas, n° 08846, publié au Recueil).

 

Dans les espèces précitées, le Juge a considéré que la mention des soutiens ou investitures n’était pas mensongère ni de nature à tromper les électeurs, en concluant à l’absence de manœuvre.

 

2.

Même en l’absence de mensonge délibéré sur la réalité de soutiens ou d’investitures, la propagande électorale peut être sanctionnée si elle présente un risque de confusion à cet égard, susceptible d’égarer les électeurs.

Le Juge de l’élection recherche donc si, par son contenu ou sa forme, la communication électorale crée un tel risque de confusion.

 

Il a été jugé sur ce point que le fait pour une liste d’avoir porté sur ses affiches et bulletins de vote la mention « UMP-UDI-MoDem » en caractère de grande taille, à la suite de la mention écrite en petits caractères « Soutenue par le groupe municipal d’opposition », a « été de nature à faire croire aux électeurs que cette liste bénéficiait de l’investiture de l’UMP et du MoDem, alors que le soutien de ces partis avait été accordé (à une autre liste), cette présentation … alors même qu’elle ne comportait aucune indication erronée ou mensongère, a constitué une manœuvre susceptible … d’induire en erreur les électeurs … » (CE 11 mai 2015, élections municipales de Clichy, n° 386018, mentionné aux tables du Recueil)

 

Le Conseil d’Etat a également considéré qu’un tract de soutien à un candidat exprimant le désaccord des adhérents et sympathisants d’un parti dont les instances départementales avaient accordé l’investiture à un autre candidat, « ne pouvait susciter aucune confusion dans l’esprit des électeurs … quant au soutien officiel apporté par les instances de ce parti (au candidat investi par elles) » (CE 17 décembre 2008, élections municipales de Saint-Jory, n° 318192).

Il en a été pareillement jugé, « dans les circonstances de l’espèce », pour l’utilisation par une liste aux élections municipales d’un logo également utilisé par une association locale, présidée par le candidat tête de liste (CE 31 juillet 1996, élections municipales d’Arleux, n° 173784) ou pour l’apposition de logos d’entreprises de presse dans un tract, « la circonstance que (le candidat) aurait fait un usage frauduleux de noms ou de marques commerciales (étant), par elle-même, sans influence sur la sincérité du scrutin. » (CE 27 mai 2015, élections municipales de Houilles, n° 385833).

Dans le même sens, n’a pas été considéré comme susceptible de créer une confusion quant au caractère officiel de supports Internet de communication électorale (site et page Facebook), l’usage des couleurs bleu, blanc et rouge (CE 12 mars 2021, élections municipales de Biches, n° 445338).

En revanche, l’utilisation de logos d’organismes officiels ou de collectivités locales dans les documents de propagande est généralement jugée irrégulière (logos d’une commune – CE 10 décembre 2014, élections municipales de Reyrieux, n° 382626 ; d’un conseil général – CE 2 juillet 1999, élections cantonales du Portel, n° 201622 ; du Conseil supérieur des Français de l’étranger – CE 16 février 2004, n° 258511).

 

3.

Naturellement, il n’y a ni mensonge ni risque de confusion quand le candidat a été autorisé à utiliser le logo d’une association, même s’il n’a pas été investi par cette dernière (CE 16 juin 2010, élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, n° 329761, mentionné aux tables du Recueil) ou si des associations apportent un soutien actif à la campagne d’un candidat (CE 15 mai 2009, élections municipales d’Asnières, n° 322132, mentionné aux tables du Recueil).

 

4.

Dans la décision commentée c’est bien le risque de confusion sur l’existence du soutien au candidat des associations dont le logo était reproduit dans le programme qui est jugé constitutif de manœuvre.

En effet l’arrêt relève que les organismes intéressés n’avaient pas donné leur autorisation à l’utilisation de leur logo dans le document litigieux, où ils étaient présentés comme des « partenaires associatifs » (sans qu’il soit précisé s’ils étaient partenaires de la candidate ou de la commune, ce qui crée une ambiguïté), ce qui « était de nature à faire accroire que la liste bénéficiait du soutien de ces associations » et, partant, constitutif d’une manœuvre.

Il doit être relevé que le programme ne revendiquait pas expressément le soutien des associations en cause, la candidate protestant d’ailleurs du caractère simplement illustratif de la vie associative communale de l’apposition de leurs logos.

C’est donc le risque d’une confusion dans l’esprit des électeurs sur l’existence d’un soutien des associations à la candidate qui a été sanctionné.

 

B.    Sanction de la manœuvre

 

1.

Il convient de rappeler liminairement que les abus de propagande ne sont, en principe, sanctionnés que par le Juge de l’élection dans le cadre de son contrôle des opérations électorales.

Ainsi, il n’appartient pas, sauf circonstances particulières, au Juge administratif des référés de connaitre d’une contestation relative au contenu des documents de propagande (pour la contestation de la mention de soutiens et l’apposition du logo d’un parti sur une circulaire électorale, v. CE 2 juin 2017, n° 411015).

De plus, l’autorité administrative chargée de la diffusion de certains éléments de propagande (circulaires) ne peut que vérifier le respect des prescriptions relatives à la présentation matérielle de ces documents et n’est pas autorisée à refuser de procéder à leur diffusion au motif de protestations d’organisations sur l’usage fait de leur nom, leur logo ou de leur soutien dont se prévaudrait un candidat (CE 31 août 2007, élections à l’Assemblée des Français de l’étranger, n° 296005).

C’est donc dans le cadre de son rôle de garant de la sincérité et de la régularité du vote que le Juge de l’élection est amené à apprécier les conséquences des abus de propagande.

 

2.

Une irrégularité ou une manœuvre ne conduit pas nécessairement à l’annulation des opérations électorales, le Juge appréciant au cas par cas et de manière pragmatique si la sincérité du scrutin a pu en être affectée.

Afin d’apprécier cette incidence, « il met en regard la gravité, l’ampleur et les répercussions potentielles de ces irrégularités avec l’écart des voix. » (CE, Dossier thématique 28 mars 2014 Le juge administratif et le droit électoral).

Ainsi, bien souvent le juge, même ayant constaté l’existence d’une manœuvre, n’en annule pas pour autant l’élection.

Il tient à cet égard principalement compte de l’écart de voix (pour des annulations en considération du faible écart de voix, v. CE 29 décembre 1989 ; 3 décembre 2014 ; 11 mai 2015 ; 21 mai 1986, précités).

Sont également pris en compte l’importance de la propagande irrégulière (par exemple le nombre de destinataires du document litigieux – CE 10 décembre 2014, précité), ainsi que la date de sa diffusion par rapport à celle du scrutin (CE 16 février 2004, précité) et la possibilité donnée aux adversaires de rectifier les informations erronées (CE 22 mai 2012, précité) et aux électeurs d’en prendre connaissance (CE 14 décembre 1977, précité).   

 

3.

En l’espèce, l’arrêt considère que la manœuvre constatée « a été de nature à altérer la sincérité du scrutin » et annule en conséquence ce dernier,  en seule considération du « très faible écart entre les deux listes » (16 voix sur 1864, soit 0,86%).

La décision n’évoque pas l’importance de la diffusion du programme litigieux, dont on ne sait donc pas si elle a été massive ou limitée.

En revanche elle en précise la date : « au plus tard le 4 mars 2020 », soit 11 jours avant le scrutin, délai qui laissait le temps à la liste adverse ou aux associations elles-mêmes de dissiper l’ambigüité sur un éventuel soutien au candidat sortant.

 

4.

Par la décision rapportée le Conseil d’Etat sanctionne donc, assez sévèrement au regard de décisions antérieures, le risque de confusion résultant de l’utilisation par un candidat du logo d’associations, sans leur accord, dans un document de propagande.

Ce faisant la Haute Juridiction rappelle la rigueur dont doivent faire preuve les candidats dans la rédaction de leurs documents électoraux, surtout quant aux soutiens ou investitures dont ils se prévalent.

L’arrêt invite surtout à cet égard à s’assurer de l’autorisation des organismes dont les noms ou logos figurent dans de tels documents.

Mais les risques des soutiens associatifs à une campagne électorale existent même avec l’accord, voire la volonté de participation des organismes.

 

II – Les associations et le soutien volontaire à un candidat

 

L’arrêt commenté sanctionne l’utilisation sans accord des logos d’associations dans le cadre de la propagande électorale.

Or l’étude de la jurisprudence révèle que l’implication, même volontaire, d’associations dans une campagne électorale peut générer des risques susceptibles d’entraîner l’annulation du scrutin.

 

 

A.    Une liberté d’intervention dans la campagne reconnue mais soumise au respect des règles du droit électoral

 

1.

Ainsi qu’il a été évoqué, le Conseil d’Etat a reconnu la possibilité à une association de consentir à l’utilisation de son sigle et son logo par un candidat dans ses documents de campagne, sans que cette utilisation ne contrevienne aux règles relatives à la propagande électorale (CE 16 juin 2010, précité. Dans cette espèce, il était reproché à une liste d’avoir « utilisé sans en avoir le droit, le sigle et le logo de l’association Union des Français de l’étranger », grief écarté au motif que la liste en question « bien que n’ayant pas reçu l’investiture de l’association Union des Français de l’étranger, avait néanmoins été autorisé par cette dernière à utiliser le sigle UFE »).

Bien plus, la Haute Juridiction a posé dans deux arrêts, dont l’un publié aux tables du Recueil Lebon, que des associations « indépendantes des candidats .. . étaient libres d’inciter à voter contre l’un de ceux-ci ou en faveur d’un autre » (CE 15 mai 2009, précité ; 20 juin 2016, élections régionales Auvergne-Rhône-Alpes, n° 395544, publié aux tables du Recueil, qui reprend la même formulation).

Cette position est ainsi résumée dans une réponse du Ministère de l’Intérieur (Rép. Min. QE n° 08666, JO Sénat 5 septembre 2019, p. 4536) : « Le Conseil d’Etat a admis qu’une association peut faire campagne pour un candidat si elle est indépendante de celui-ci … ».

 

2.

Il serait tentant d’interpréter ces décisions comme reconnaissant un droit de principe des associations de librement intervenir dans le débat électoral.

Le principe constitutionnellement consacré de liberté d’association y invite d’ailleurs (Cons. const. DC 16 juillet 1971, n°71-44).

Toutefois, si cette liberté permet à une association de se développer, d’exercer l’activité et de mener les actions de son choix, c’est dans le cadre des lois en vigueur.

Son intervention dans une campagne électorale doit donc respecter les règles applicables en la matière.

 

3.

Cette soumission au droit électoral est parfaitement illustrée par une décision dans laquelle le Conseil d’Etat, après avoir exposé qu’une association « prend depuis sa création une part active au débat public communal et se prononce régulièrement, par la voie de la publication « L’instant’Annay », sur les questions inhérentes à la vie de la commune et à sa gestion », indique clairement que son implication dans la campagne municipale, par la préparation, le soutien et la promotion d’une liste candidate, devait respecter les conditions fixées par la loi électorale, notamment en matière de financement (CE 10 mars 2009, élections municipales d’Annay-sous-Lens, n° 317976).

Aussi ce sont les dispositions légales relatives au financement électoral qui vont essentiellement limiter les possibilités d’intervention des associations dans une campagne.

C’est en fonction de ces règles que sera appréciée par le Juge la participation financière ou matérielle d’une association à la campagne (sur ce point, v. Jean-Pierre Camby, Associations et campagnes électorales, LPA 13 novembre 2019)

 

B.     La soumission de l’intervention des associations par les règles relatives au financement électoral

 

1.

L’article L 52-8 du code électoral prohibe la participation financière ou matérielle à une campagne électorale des associations qui n’ont pas le statut de parti politique.

L’interdiction du financement direct est claire de conception et d’interprétation : les associations ne peuvent verser un don financier à un candidat.

En revanche, l’appréciation de la participation matérielle peut s’avérer plus délicate.

Pour le Ministère de l’Intérieur, les associations « ne peuvent participer à une campagne électorale qu’en facturant aux candidats leurs prestations à prix coûtant, à l’exclusion de tout apport sous la forme de concours en nature ou de financement direct. » (Rép. Min. précitée).

L’état de la jurisprudence est plus nuancé.

 

2.

Certes sont considérés comme des dons prohibés les aides matérielles directes à la campagne de la part d’associations, comme la réalisation et la diffusion de tracts en faveur d’un candidat (CE 30 décembre 1998, élections régionales d’Auvergne, n° 195141 ; 21 décembre 2001, élections municipales de Luisant, n° 236335, publié aux tables du Recueil), la préparation, la présentation puis le soutien « explicite et constant » à un candidat dans la revue trimestrielle et le site Internet de l’organisme (CE 10 mars 2009, élections municipales d’Annay-sous-Lens, n° 317976).

 

3.

Toutefois, des arrêts ont retenu une solution plus libérale.

Ainsi, dans une première affaire, le Conseil d’Etat a considéré que les prises de position de plusieurs associations en faveur d’un candidat, qui a bénéficié de leur « soutien actif à travers leur site Internet et la diffusion de tracts, documents et journaux » et d’une autre association qui a soutenu la candidate adverse en diffusant son programme sur son site Internet, « ne peuvent être regardées comme une aide illégale au sens des dispositions (de l’article L 52-8) » (CE 15 mai 2009, précité).

Dans une seconde espèce, il a été jugé que la diffusion d’un appel en faveur d’une liste, sous forme de courrier électronique, par les responsables de différentes associations locales, « ne saurait être regardée comme ayant constitué un avantage procuré (au candidat) dont le coût devrait être réintégré dans son compte de campagne » (CE 20 juin 2016, précité).

Il est à noter que ces deux décisions reposent sur une motivation identique, à savoir que les associations en cause « étaient indépendantes des candidats et étaient libres d’inciter à voter contre l’un de ceux-ci ou en faveur d’un autre. »

 

3.

Lorsque les frais de propagande assurés par une association ont été pris en charge par le candidat, il n’y a pas d’irrégularité (pour les frais d’impression de bulletins d’information d’une association ayant appuyé un candidat pris en charge par ce dernier et intégrés à son compte de campagne, v. CE 29 juillet 2002, élections municipales de Chassieu, n° 239383).

Il n’y a pas non plus de violation de l’article L 52-8 dans le cas de propagande relayée par une association sur son site Internet, par la mise à disposition du public des bulletins d’information et tracts d’un candidat, dès lors que le site bénéficiait d’un hébergement gratuit, avait été conçu et était entretenu bénévolement par un colistier du candidat et que, donc, l’association « n’a exposé à cette occasion aucune dépense en faveur de la liste conduite par ce dernier. » (CE 29 juillet 2002, précité).

Une solution identique a été retenue pour un appel en faveur d’un candidat, diffusé sous forme de courriel, cette diffusion représentant « un coût sinon nul, du moins extrêmement faible » pour les associations auteures du message.

 

Il ressort de ces décisions que les règles de financement électoral ne sont pas méconnues lorsque l’intervention d’une association dans la campagne n’a donné lieu à aucune dépense, ou des dépenses minimes, de sa part ou que leur coût a été pris en charge par le candidat et intégré dans son compte de campagne.

 

4.

S’agissant de la question spécifique de l’utilisation du logo d’associations par un candidat dans le cadre de sa campagne, comme en l’espèce, la jurisprudence se montre relativement souple.

En effet, alors que généralement l’usage d’un logo entre dans les dépenses de campagne (CE 30 décembre 1998, élections régionales d’Auvergne, précité ; Jean-Pierre Camby, article précité), dans plusieurs décisions, le Conseil d’Etat a considéré que l’utilisation du logo d’une association par un candidat « ne peut être considérée comme un don ou un avantage qui (lui) aurait été consenti par ladite association en violation des dispositions de l’article L 52-8. » (CE 31 juillet 1996, élections municipales d’Arleux, n° 173784 ; 25 mars 2002, élections municipales de Vert-Saint-Denis, n° 236983 ; 17 février 2015, élections municipales de La Salvetat-Saint-Gilles, n° 382876 ; 29 décembre 1997, élections cantonales de Toulon, n° 187243, les quatre arrêts utilisant la même formulation).

 

5.

Il ressort des développements précédents et des jurisprudences rapportées que, en principe, une association ne peut valablement contribuer à la campagne d’un candidat, au regard des règles de financement électoral, en exposant des dépenses au bénéfice de celui-ci, sauf à les facturer à leur juste valeur et qu’elles soient incluses au compte de campagne.

Dans le cas contraire, le risque de qualification de cette intervention en avantage prohibé est prégnant et susceptible d’entraîner le rejet du compte de campagne et l’annulation de l’élection.

 

Il convient donc d’adopter une attitude particulièrement prudente dans le cas de tels soutiens.

 

 

A retenir :

-        L’utilisation par un candidat dans ses documents de propagande du logo d’une association sans son accord et dans des conditions de nature à créer une confusion sur l’existence d’un soutien de ladite association à sa candidature est constitutif d’une manœuvre ;

 

-        Une telle manœuvre peut justifier l’annulation de l’élection en cas de faible écart de voix ;

 

-        D’une manière générale, une association ne peut apporter d’aide financière ou matérielle directe à un candidat sans méconnaître les dispositions de l’article L 52-8 du code électoral ;

 

-        La jurisprudence se montre relativement souple sur l’utilisation gratuite de logos d’associations, avec leur accord, par les candidats, ne la considérant généralement pas comme un avantage irrégulier.