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Paquet électoral : les nouvelles règles du financement des campagnes électorales

Le 04 juillet 2011
Paquet électoral : les nouvelles règles du financement des campagnes électorales

Depuis plusieurs années, les principaux acteurs du droit du financement électoral, que ce soit la Commission Nationale des Comptes de Campagne et des Financements Politiques (CNCCFP) ou le Juge électoral, relèvent régulièrement le manque de cohérence et les lourdeurs d’application des règles posées par le code électoral en la matière.

 

Le régime applicable au financement des campagnes électorales, telles que les règles générales en avaient été fixées par les lois des 15 janvier 1990 et 19 janvier 1995, est ainsi apparu « peu intelligible et source de confusion pour les candidats » et « peu adapté à la pratique ».

 

En particulier, les sanctions prévues pour la violation des règles de financement semblaient trop automatiques et trop lourdes.

 

Ce sont ces préoccupations qui, dans le cadre plus général du processus de refonte complète du code électoral engagé en mars 2008, ont principalement motivé l’adoption du « paquet électoral », constitué de trois lois en date du 14 avril 2011, les modifications des règles du financement résultant principalement de la loi n° 2011-412 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.

 

Si les modifications résultant de ce texte ne remettent pas en cause les principes généraux et règles fondamentales posés par la législation antérieure, elles apportent des aménagements et précisions, tant en ce qui concerne le cadre du financement des campagnes que son contentieux.

 

 

I. Le cadre du financement

 

La loi n°2001-412 du 14 avril 2011 ne bouleverse aucunement le cadre général du financement des campagnes électorales, qui continue de reposer sur un compte bancaire unique enregistrant la totalité des opérations financières de la campagne, géré par un mandataire financier, mais y apporte plusieurs précisions utiles.

 

 

 

1. Le mandataire financier : un statut précisé

 

La réforme maintient le rôle essentiel du mandataire financier, dont les conditions de nomination et de fonctionnement ont toutefois été précisées.

 

 

a. Les conditions de nomination du mandataire

 

La législation antérieure comportait deux dispositions relatives à la procédure de désignation du mandataire financier.

 

D’une part, le premier alinéa de l’article L. 52-4 du code électoral prévoyait que « tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée ».

 

D’autre part, le premier alinéa de l’article L. 52-6 disposait que

« le candidat déclare par écrit à la préfecture de son domicile le nom du mandataire financier qu’il choisit. »

 

 

Les travaux parlementaires ont relevé que « la coexistence de ces deux rédactions crée une ambiguïté : en pratique, des candidats peuvent être induits en erreur, pensant être libres d’opter pour l’une ou l’autre procédure (désignation ou déclaration) ».

 

Cette ambiguïté était source de risques juridiques, dans la mesure où la jurisprudence considère que c’est la déclaration en préfecture dans les conditions de l’article L.52-6 qui confère la qualité de mandataire financier à une personne physique ou une association.

 

Afin d’y remédier, la loi du 14 avril 2011 harmonise la rédaction des premiers alinéas des deux articles précités en prévoyant à l’article L. 52-4 que « tout candidat à une élection déclare un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 … »

 

 

En outre, le code ne prévoyait aucun contrôle de la désignation du mandataire lors de la déclaration de candidature.

 

En pratique, l’absence de désignation d’un mandataire par des candidats était à l’origine de nombreux rejets de comptes de campagne.

 

Afin de prévenir ce type de situation, l’article 12 de la loi du 14 avril 2011, modifiant en cela la rédaction des articles L. 154, L. 210-1, L. 265, L. 347 et L. 370 du code électoral, ainsi que 10 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, prévoit que sont exigées lors de la déclaration de candidature,

« les pièces de nature à prouver que le candidat a procédé à la déclaration d’un mandataire conformément aux articles L. 52-5 et L. 52-6 ou, s’il n’a pas procédé à cette déclaration, les pièces prévues au premier alinéa de ces mêmes articles ».

 

 

Ainsi, désormais, « tout candidat qui ne pourrait prouver lors du dépôt de sa candidature qu’il a désigné un mandataire financier verrait l’enregistrement de sa candidature refusé », ou, en d’autres termes,

«aucune candidature ne peut être enregistrée par les services préfectoraux si elle n’est pas accompagnée d’un document attestant qu’un mandataire a été choisi. ».

 

 

Selon les travaux parlementaires, ce nouveau dispositif « permettra d’assurer l’effectivité des règles fixées par le législateur et évitera que des candidats ne soient amenés à contrevenir à la loi à cause de l’obscurité des textes en vigueur. »

 

 

b. Le fonctionnement du mandataire

 

La loi nouvelle n’apporte qu’une modification aux règles de fonctionnement du mandataire, en lui reconnaissant un droit à l’ouverture du compte bancaire unique.

 

La reconnaissance de ce droit est justifiée par les difficultés, mises en lumière par la CNCCFP et le Conseil constitutionnel, rencontrées par certains candidats pour obtenir des banques l’ouverture d’un compte, les travaux parlementaires constatant que

« ces difficultés sont très préjudiciables au candidat, car un délai d’ouverture du compte de campagne trop long bloque ses dépenses de campagne et peut le conduire à recourir à des paiements directs. Or, les paiements directs peuvent avoir pour conséquence un rejet ultérieur du compte de campagne. »

 

 

Le droit au compte bancaire ainsi reconnu au mandataire est distinct de celui consacré par les dispositions générales de l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, qui, ainsi que le relèvent les travaux parlementaires, «  ne permettent pas d’apporter une solution efficace (au) problème », dans la mesure où le droit qu’elles consacrent n’est pas opposable si le candidat détient déjà un compte.

 

Le nouvel article L. 52-6 crée donc un droit spécifique à l’ouverture d’un compte de mandataire financier.

 

 

2. Les recettes et dépenses du compte : des principes inchangés mais des montants actualisés

 

 

La loi du 14 avril 2011 n’apporte aucune modification aux règles générales applicables aux recettes et dépenses du compte, se contentant d’en prévoir une actualisation automatique.

 

Il en est ainsi, en premier lieu, des limites relatives aux dons des personnes physiques fixées par l’article L. 52-8 du code électoral, dont le dernier alinéa prévoit que

« les montants prévus au présent article sont actualisés tous les ans par décret. Ils évoluent comme l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac. »

 

 

 

Est également, en second lieu, ajouté à l’article L. 52-11, relatif au plafond des dépenses électorales, un dernier alinéa disposant que

« les montants prévus au présent article sont actualisés tous les ans par décret. Ils évoluent comme l’indice des prix à la consommation des ménages, hors tabac. »

 

 

 

3. La présentation du compte de campagne : d’importantes précisions

 

Les règles antérieures ont paru, à l’usage, excessivement lourdes, notamment quant à la généralité de l’obligation de déposer un compte de campagne, inutilement complexes, en particulier en qui concerne le délai de dépôt ou encore insuffisamment précises, en ce qui concerne les modalités d’intervention de l’expert-comptable.

 

La loi nouvelle a tenté de remédier aux inconvénients ainsi constatés.

 

 

 

 

 

 

a. L’obligation de dépôt d’un compte de campagne : dispense pour certains candidats

 

Jusqu’à présent, l’obligation de dépôt d’un compte de campagne présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et comptables agréés s’appliquait à tous les candidats aux élections locales, législatives et présidentielles, quel que soit, notamment, l’impact de leur candidature sur les finances publiques.

 

Cette obligation s’avérait « lourde et inutile » pour les candidats n’ayant recueilli qu’un nombre très faible de suffrages et qui ne pouvaient donc prétendre à aucun remboursement de tout ou partie des frais engagés pour la campagne électorale.

 

En outre, la CNCCFP était ainsi amenée « à traiter des dossiers dénués d’enjeux financiers réels » ce qui l’empêchait « de consacrer plus de temps aux comptes de campagne les plus complexes et les plus sensibles », cette situation étant jugée « problématique » par les travaux parlementaires.

 

 

La loi, suivant en cela les préconisations de la CNCCFP et du Conseil constitutionnel, a remédié à cette excessive lourdeur en dispensant, dans la nouvelle rédaction du premier alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral, du dépôt d’un compte de campagne les candidats ayant obtenu moins de 1% des suffrages exprimés ou n’ayant pas reçu de dons de personnes physiques.

 

 

b. La date du dépôt du compte : harmonisation

 

Dans sa version antérieure, l’article L. 52-12 fixait comme date limite de dépôt du compte de campagne, « le neuvième vendredi suivant le tour de scrutin où l’élection a été acquise ».

 

Il en résultait des dates de dépôt différentes selon que l’élection avait été acquise au premier ou au second tour de scrutin.

 

La CNCCFP avait appelé de ses vœux une simplification de la règle par une uniformisation de la date de dépôt des comptes, en prenant un point de départ unique, quelle que soit la date à laquelle l’élection est acquise.

 

Cette proposition a été reprise par le Législateur, le deuxième alinéa de l’article L. 52-12 fixant, dans sa nouvelle rédaction, la date limite de dépôt des comptes au

« dixième vendredi suivant le premier tour de scrutin ».

 

 

 

 

 

 

c. Le rôle de l’expert-comptable : clarification

 

De manière tout à fait cohérente, voire quelque peu superfétatoire, la nouvelle rédaction de l’article L. 52-12 alinéa 2, indique que les candidats qui, en application des nouvelles dispositions du premier alinéa, ne sont pas tenus au dépôt d’un compte de campagne dans la mesure où ils ont obtenus moins de 1% des suffrages exprimés ou n’ont pas bénéficié de dons de personnes physiques, ne sont pas astreints à sa présentation par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés.

 

Il est vrai que leur intervention pouvait s’avérer, dans de telles hypothèses, inutile et parfois

« excessivement coûteuse »

 

 

 

 

Par ailleurs, le rôle de ces professionnels a été « mieux encadré », la définition de leur mission par la législation antérieure étant jugée

« particulièrement floue ».

 

 

Il a en effet été constaté que

« les candidats étaient souvent induits en erreur par la définition minimaliste que le code donne des missions des experts-comptables, chargés d’assurer la « présentation » du compte de campagne : ce terme flou a conduit à ce que « la portée et les limites de l’intervention de l’expert-comptable ne (soient) pas toujours interprétées de façon homogène », ce qui n’est pas sans conséquence sur les candidats, sur lesquels repose la responsabilité de la bonne présentation de leur compte de campagne. »

 

 

 

Les travaux parlementaires relèvent en outre que, dans le cas des comptes des petits candidats, son intervention

« se limite (…) à l’apposition de son visa sur le compte. »

 

 

 

Le deuxième alinéa de l’article L. 52-12 précise donc désormais à cet égard que :

 

« Le compte de campagne est présenté par un membre de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés ; celui-ci met le compte de campagne en état d’examen et s’assure de la présence des pièces justificatives requises. »

 

 

Même si cette situation a pu concerner une minorité de cas, l’intervention du professionnel du chiffre ne saurait donc plus valablement se limiter à la simple apposition d’un cachet : il est désormais légalement tenu d’effectuer un nombre minimum de diligences.

 

 

II. Le contentieux du financement

 

 

 

C’est sur ce point que la réforme est la plus significative.

 

En particulier, le Législateur, dont l’ambition affichée était de « repenser les sanctions applicables en droit électoral », dont il considérait qu’elles présentaient « de graves lacunes de fond », en raison, notamment, de leur caractère peu proportionné à la gravité des fautes commises, a profondément réformé le régime de l’inéligibilité pour non respect des règles de financement électoral ainsi que celui des sanctions financières applicables.

 

 

1. La réforme des sanctions financières

 

Les sanctions financières prévues par le code sont de deux ordres.

 

 

En premier lieu, la CNCCFP, en cas de dépassement du plafond des dépenses, fixe une somme, au moins égale à ce montant, que le candidat est tenu de reverser au Trésor public.

 

Ce pouvoir résultant du dernier alinéa de l’article L. 52-15 du code électoral, est demeuré inchangé.

 

En second lieu, il incombe à la Commission de fixer le montant du remboursement forfaitaire par l’Etat prévu par l’article L. 52-11-1.

 

Ses pouvoirs en la matière ont été jugés insuffisants et contraints par une trop grande automaticité, lacunes auxquelles la réforme tente de remédier.

 

 

a. Le remboursement forfaitaire des dépenses : une extension des pouvoirs de la CNCCFP …

 

 

Dans son ancienne rédaction, l’article L. 52-11-1 du code électoral consacrait, à son premier alinéa, le principe d’un remboursement forfaitaire par l’Etat au candidat de 50% du plafond des dépenses autorisées, dans la limite du montant des dépenses réglées sur l’apport personnel et retracées dans le compte de campagne, pour prévoir, dans son second alinéa, les cas dans lesquels ce remboursement n’est pas dû.

 

La loi du 14 avril n’a pas modifié ce principe, le 1er alinéa de l’article L. 52-11-1 demeurant inchangé.

 

Le premier alinéa de l’article L. 52-15, demeuré également inchangé, donne à la CNCCFP la compétence d’arrêter le montant de ce remboursement forfaitaire.

 

La réforme a introduit une innovation en permettant à la CNCCFP d’appliquer des sanctions financières, sous la forme d’une diminution du montant du remboursement forfaitaire, « à l’encontre des candidats ayant commis des irrégularités mineures ou non intentionnelles. ».

 

Tel est l’objet du dernier alinéa ajouté à l’article L. 52-12 en ces termes :

« Dans les cas où les irrégularités commises ne conduisent pas au rejet du compte, la décision concernant ce dernier peut réduire le montant du remboursement forfaitaire en fonction du nombre et de la gravité de ces irrégularités. »

 

 

 

Ce nouveau pouvoir direct sur la détermination du montant du remboursement forfaitaire se distingue de celui que possédait déjà la Commission d’influer sur ce montant en réformant, sans le rejeter, le compte de campagne en en écartant certaines dépenses.

 

Selon les travaux parlementaires, cette modification rompt avec « la logique du  tout ou rien » qui prévalait antérieurement, alors que la Commission ne disposait pas, sauf dans le cas de l’élection présidentielle, du pouvoir de moduler le montant du remboursement et le candidat bénéficiant ou non du remboursement selon qu’elle validait ou non son compte de campagne.

 

En d’autres termes, la Commission ne pouvait que valider ou rejeter les comptes dont elle était saisie et ses décisions ne pouvaient avoir que deux effets :

« soit elles garantissent au candidat qu’il pourra bénéficier de l’intégralité du remboursement forfaitaire auquel il a droit en vertu de l’article L. 52-11-1 du code, soit elles l’en privent totalement. »

 

 

 

Or le rejet était nécessairement encouru dès lors que le compte était entaché d’un manquement à une formalité substantielle, même quand les montants en cause étaient faibles ou que la bonne foi du candidat ne faisait aucun doute.

 

Cette automaticité était déplorée par la Commission elle-même, qui regrettait d’être

« parfois conduite à décider d’un rejet alors que (…) l’infraction commise ne mérite pas une sanction aussi radicale que le rejet du compte. »

 

 

 

 

Il y est désormais remédié, la CNCCFP pouvant, dans le cadre du dernier alinéa de l’article L. 52-11-1 introduit par la loi du 14 avril, sans pour autant rejeter le compte, diminuer le montant du remboursement forfaitaire dû au candidat ayant commis des fautes vénielles dont la gravité ne justifierait pas un rejet pur et simple de son compte.

 

 

b. … assortie d’un renforcement du contrôle par le Juge électoral

 

 

Dans un souci de cohérence avec les nouveaux pouvoirs de sanction financière reconnus au Juge des comptes, le Législateur a entendu « renforcer le contrôle du Juge électoral sur les décisions de la CNCCFP fixant le montant du remboursement forfaitaire » en prévoyant que « le Juge administratif, pour les élections locales, et le Conseil constitutionnel , pour les élections parlementaires, fixeraient eux-mêmes le montant du droit à remboursement lorsqu’ils constatent que la Commission n’a pas statué à bon droit. ».

 

C’est ainsi que la loi du 14 avril 2011 a ajouté à l’article L. 118-2 du code électoral un dernier alinéa ainsi rédigé :

 

« Sans préjudice de l’article L. 52-15, lorsqu’il constate que la commission instituée par l’article L. 52-14 n’a pas statué à bon droit, le juge de l’élection fixe le montant du remboursement dû au candidat en application de l’article L. 52-11-1. »

 

 

La réforme simplifie ainsi la procédure de contestation des décisions de la Commission relatives au remboursement forfaitaire tout en remédiant à une inefficience constatée dans les effets en la matière de la décision du Juge de l’élection prononçant l’inéligibilité d’un candidat pour irrégularité de son compte de campagne.

 

 

Sur le premier point, en effet, il a été « constaté que le Juge électoral n’était compétent que pour se prononcer sur l’inéligibilité éventuelle du candidat dont le compte de campagne avait été rejeté : ainsi, le circuit de contestation des décisions de la CNCCFP concernant le montant du droit à remboursement versé au candidat reste complexe et long», dissuadant les candidats de faire valoir leurs droits.

 

Plus précisément, les candidats n’avaient pas la possibilité de contester devant le Juge de l’élection la décision de la Commission rejetant leur compte, ni de l’attaquer pour excès de pouvoir. Il leur appartenait, après que le Juge de l’élection se soit prononcé sur la saisine de la commission, de former une demande auprès de cette dernière en vue du remboursement de ses dépenses électorales et, le cas échéant, de contester devant le Juge administratif, dans le cadre d’un plein contentieux, la décision prise sur cette demande.

 

 

S’agissant du second point, les travaux parlementaires ont relevé, reprenant en cela les constatations de la CNCCFP, que lorsque le Commission

« approuvait un compte de campagne, mais que le candidat en cause était ensuite déclaré inéligible par le Juge électoral (ce qui implique en toute logique que le compte aurait dû être rejeté), le candidat bénéficiait malgré tout du remboursement forfaitaire de l’Etat. »

 

 

La CNCCFP soulignait à cet égard que « pour éviter ce type de situation, il faudrait que la Commission soit saisie pour se prononcer à nouveau sur le compte , mais comme cette saisine ne peut être faite que par le candidat lui-même, cette hypothèse demeure dans les faits irréaliste. » Elle constatait par ailleurs que

« il s’ensuit la situation paradoxale d’un candidat dont les dépenses de campagne ont pu faire l’objet d’un remboursement, son compte demeurant en droit approuvé, alors même qu’il a été déclaré inéligible à titre de sanction de l’irrégularité de ce même compte. »

 

 

La nouvelle rédaction de l’article L. 118-2 remédie à cette incohérence en permettant au Juge de l’élection, dans le cadre de son nouveau pouvoir de fixation du montant du remboursement forfaitaire, d’en priver les candidats dont il aura rejeté le compte.

 

 

2. La réforme de la sanction de l’inéligibilité

 

Les modalités de cette sanction faisaient, depuis plusieurs années, l’objet de critiques qui ont été reprises par le Législateur.

 

En premier lieu, il était reproché au régime antérieur, son incohérence, « l’excuse de bonne foi » qui permettait au Juge de l’élection de ne pas sanctionner d’inéligibilité le candidat de bonne foi (article L. 118-3 du code électoral), n’étant pas prévue pour les élections législatives, pour lesquelles le Conseil constitutionnel ne pouvait que constater l’inéligibilité du candidat dont le compte était entaché d’une irrégularité.

 

En second lieu, il était considéré que la jurisprudence, dans son appréciation de la « bonne foi » des candidats aux élections locales, faisait preuve d’une rigueur excessive, contraire aux intentions du Législateur, qui avait entendu en faire la règle et de l’inéligibilité l’exception.

 

La réforme du 14 avril 2011 s’est attachée à remédier à ces

« lacunes de fond ».

 

 

 

a. L’harmonisation des règles : l’alignement du régime des élections législatives sur celui des élections locales

 

Ainsi qu’il a été signalé, le régime de l’inéligibilité pour violation des règles du financement électoral présentait une incohérence marquante entre les règles applicables aux élections locales et celles des élections législatives.

 

Dans le premier cas, en effet, le deuxième alinéa de l’article L. 118-3 du code électoral permettait au Juge de l’élection de

« ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. »

 

 

Cette possibilité n’était en revanche pas ouverte au Conseil constitutionnel pour les élections législatives, l’article LO 128 prévoyant automatiquement que « est inéligible.. . (le candidat)

dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. »

 

 

La sanction de l’inéligibilité s’appliquait donc que le compte de campagne ait été rejeté à bon droit par la Commission ou par le Juge de l’élection pour quelque motif que ce soit.

 

Le Conseil constitutionnel en avait été amené à constater

« que l’inéligibilité peut revêtir un caractère disproportionné, surtout quand elle touche des candidats élus dont la bonne foi ne paraît pas en cause »

 

 

Il a été remédié à cette incohérence, les articles LO 136-1 et L. 118-3 donnant désormais au Juge administratif et au Conseil constitutionnel un pouvoir d’appréciation identique pour prononcer l’inéligibilité d’un candidat.

 

 

b. La modification des règles : un assouplissement des conditions de fond accompagné d’un renforcement des sanctions

 

Le principal reproche fait à l’usage par le Juge de l’élection de la possibilité que lui reconnaissait la loi de ne pas prononcer l’inéligibilité d’un candidat en cas de bonne foi tenait à la rigueur avec laquelle il appréciait cette notion.

 

La jurisprudence en la matière a paru contraire à l’intention du Législateur de 1996 qui, en ouvrant cette possibilité, avait entendu faire de la bonne foi la règle et de l’inéligibilité l’exception.

 

La réforme de 2011 est sur ce point radicale en consacrant une véritable présomption de bonne foi.

 

Parallèlement, elle aggrave les effets de l’inéligibilité quand elle est prononcée.

 

 

 

    • La modification des conditions de l’inéligibilité : un renversement de la logique

 

 

 

Désormais, la bonne foi du candidat est présumée.

 

Dans sa version antérieure, l’article L. 118-3 du code électoral prévoyait dans ses deux premiers alinéas :

 

« Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.

Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie, ou relever le candidat de cette inéligibilité. »

 

Cette rédaction faisait de l’inéligibilité la règle, la sanction pouvant ne pas être prononcée ou le candidat en être relevé que dans des circonstances particulières que le Juge devait caractériser.

 

Cette logique a été totalement inversée, les premiers alinéas de l’article L. 118-3 prévoyant désormais :

 

« Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales.

Saisi dans les mêmes conditions, le juge de l'élection peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12

Il prononce également l'inéligibilité du candidat dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit en cas de volonté de fraude ou de manquement d'une particulière gravité aux règles relatives au financement des campagnes électorales. »

 

Ill résulte de cette nouvelle rédaction qu’il appartient désormais au Juge de justifier, non plus l’exonération de la sanction en établissant la bonne foi du candidat, mais la sanction elle-même, en caractérisant une volonté de fraude ou un manquement particulièrement grave aux règles de financement.

 

Il appartiendra à la jurisprudence de dessiner les contours de cette bonne foi, désormais définie négativement.

 

On peut d’ores et déjà raisonnablement poser à cet égard que l’intentionnalité du manquement, requis par la loi modifiée, ne pourra être suffisamment caractérisée par une simple conscience du non respect des règles ou la seule méconnaissance de dispositions substantielles de la loi.

 

 

 

  • La modification des effets de l’inéligibilité : une sévérité accrue

 

 

 

La réforme a renforcé la sévérité de la sanction tant dans sa durée que son champ d’application.

 

Ainsi, alors que, dans sa version antérieure, l’article L. 118-3 fixait automatiquement la durée de l’inéligibilité à un an, la nouvelle rédaction prévoit qu’elle est « prononcée pour une durée maximale de trois ans », ce qui laisse toutefois un pouvoir d’appréciation au Juge.

 

En outre, alors que la sanction ne s’appliquait antérieurement qu’au mandat concerné par la violation des règles de financement, elle s’applique désormais

« à toutes les élections ».

 

 

 

Il convient de relever que, le contentieux électoral relevant du plein contentieux, les nouvelles dispositions relatives à l’inéligibilité s’appliquent aux contentieux en cours, le Juge statuant en application des règles applicables au jour où il prononce sa décision.

 

 

En conclusion, la réforme du 14 avril 2011 a eu pour ambition de remédier aux rigueurs excessives des règles créées en 1990 et 1995, dont la sévérité s’explique par le climat « d’affaires » dans lequel elles sont intervenues, mais n’est peut être plus nécessaire, les candidats ayant, dans leur grande majorité, intégré ces règles du jeu démocratique.