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Tabagisme passif et maladie professionnelle

Le 30 novembre 2012
Tabagisme passif et maladie professionnelle

Dans un arrêt du 30 décembre 2011, le Conseil d’État rappelle que si l’agent victime d’une maladie ne parvient pas à établir un lien direct et essentiel entre ses conditions de travail et son affection, au sens de l’article 461-1 du code de la sécurité sociale, pour faire reconnaître son état de santé comme maladie professionnelle, il demeure recevable à mettre en cause la responsabilité de son employeur public pour faute de service et obtenir, sur le fondement du régime de droit commun de la responsabilité administrative, la réparation de ses préjudices (CE, 30 décembre 2011, n° 330959, Renard, Tab)

 

 

 

« Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite et de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale que peut être reconnue d'origine professionnelle, pour un agent de la fonction publique territoriale, une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi, notamment, qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime ;

Considérant qu'il ressort des énonciations non contestées du jugement attaqué que l'affection cancéreuse dont souffre M. A n'était pas au nombre des maladies désignées dans un des tableaux de maladies professionnelles mentionnés par les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale et annexés à ce code ; que, par suite, cette pathologie ne pouvait être regardée d'origine professionnelle que s'il était établi qu'elle avait été essentiellement et directement causée par son travail habituel au sein des services du département du Nord (…);

Considérant que les autorités administratives ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents ; qu'il leur appartient à ce titre, sauf à commettre une faute de service, d'assurer la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet, ainsi que le précise l'article 2-1 introduit par le décret du 16 juin 2000 dans le décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive de la fonction publique territoriale ; qu'à ce titre, il leur incombe notamment de veiller au respect des dispositions de l'article 1er du décret du 29 mai 1992 fixant les conditions d'application de l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, reprises à l'article R. 355-28-1 puis à l'article R. 3511-1 du code de la santé publique ; que l'agent qui fait valoir que l'exposition au tabagisme passif sur son lieu de travail serait à l'origine de ses problèmes de santé, mais dont l`affection ne peut être prise en charge au titre de la législation sur les maladies professionnelles dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle serait essentiellement et directement causée par le travail habituel de l'intéressé, peut néanmoins rechercher la responsabilité de sa collectivité en excipant de la méconnaissance fautive par cette dernière de ses obligations rappelées ci-dessus.»

 

Un agent du conseil général du Nord, exposé durant 10 ans au tabagisme de ses collègues de 1990 à 2001, a développé une affection cancéreuse. Le président de la collectivité ayant refusé de reconnaitre le caractère de maladie professionnelle, il a contesté cette décision et, subsidiairement, mis en cause la responsabilité de la collectivité pour défaut en matière de sécurité de ses agents.

 

Le juge administratif constatait l’absence de lien de causalité direct entre la pathologie et les conditions d’emploi de l’agent, dès lors qu’il avait été exposé les années précédentes au tabagisme, et rejetait le caractère professionnel de la maladie. En revanche, il l’indemnisait sur le fondement de la responsabilité de droit commun considérant que l’employeur avait manqué aux règles de sécurité.

 

Par l’arrêt commenté le conseil d’Etat rappelle les règles relatives à la protection sociale des agents et les obligations de leur employeur en matière de sécurité au travail.

 

Aux termes des dispositions de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, applicable aux agents de la fonction publique, on distingue deux types de ma ladies professionnelles : celles qui figurent sur le tableau des maladies professionnelles du régime général (article L. 461-2 du code) permettant aux victimes les ayant contracté de bénéficier d’un régime de présomption d’imputabilité à la leur emploi, celles qui n’y figurent pas mais qui ont causé à l’agent un préjudice sérieux et qui résultent directement de son travail habituel, c'est-à-dire les maladies contractées en service (article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et code des pensions, CE 7 juillet 2000, Laffray, rec. p. 1060).

 

Dans ce second cas, les agents ne bénéficient plus d’un régime de présomption d’imputabilité. Il leur appartient d’apporter la preuve que leur état de santé est directement lié à l’exercice de leurs fonctions, sans autre prédisposition ou manifestation antérieure (CE 11 février 1981, Ministre de l’Intérieur, req. n°19614).

 

Ce régime s’avère particulièrement défavorable aux agents puisqu’ils supportent la charge de la preuve du lien direct et déterminant de leur affection et de leurs conditions d’emploi.

 

Mais ce relatif désavantage sur le terrain de la protection sociale est compensé par l’ouverture du régime de responsabilité de droit commun de l’administration. Sa responsabilité est en effet engagée sur le fondement du droit à la sécurité des agents, tout manquement à ces obligations constituant une faute de service ouvrant droit à indemnisation de la victime.

 

C’est ainsi que le Conseil d’Etat a constaté qu’en l’absence de lien de causalité déterminant entre le tabagisme auquel était exposé un agent au sein du conseil général du Nord et son affection, le caractère professionnel de sa maladie n’était pas établi, mais que de manière non exclusive, la collectivité n’avait pas protégé la santé de son agent en l’exposant durablement au tabagisme de ses collègues au sein des services.

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