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Perte d'emploi : le Conseil d'État renforce, encore, les garanties dont bénéficie le fonctionnaire territorial occupant un emploi fonctionnel

Le 21 juin 2023
Perte d'emploi : le Conseil d'État renforce, encore, les garanties dont bénéficie le fonctionnaire territorial occupant un emploi fonctionnel
Le Conseil d'État, par un arrêt du 10 février 2023, détermine un partage de responsabilités entre la collectivité d'accueil et la collectivité d'origine lorsque la première met fin au détachement d'un fonctionnaire territorial.

Le Conseil d'État, par un arrêt du 10 février 2023, détermine un partage de responsabilités entre la collectivité d'accueil et la collectivité d'origine lorsque la première met fin au détachement d'un fonctionnaire territorial occupant un emploi fonctionnel, que ce dernier demande sa réintégration au sein de sa collectivité d'origine, mais que celle-ci la refuse, faute d'emploi vacant et qu'enfin, le fonctionnaire demande à la collectivité d'accueil le bénéfice du congé spécial.  (1)

 

 

Texte intégral :
« 6. Il résulte des dispositions citées aux points 4 et 5 que lorsqu'il est mis fin au détachement d'un fonctionnaire territorial sur un emploi fonctionnel mentionné à l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, à l'initiative de la collectivité ou de l'établissement au sein de laquelle ou duquel il est détaché sur un tel emploi, que cette fin de fonctions intervienne avant le terme normal du détachement ou résulte du non-renouvellement de celui-ci, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou cadre d'emplois et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi dans un emploi correspondant à son grade relevant de sa collectivité ou de son établissement d'origine en application de l'article 67 de la même loi. Si sa collectivité ou son établissement d'origine n'est pas en mesure, à la date à laquelle la fin du détachement prend effet, de le réaffecter sur un tel emploi, le fonctionnaire est en droit, dans les conditions prévues par l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, de demander à la collectivité ou à l'établissement dans lequel il occupait l'emploi fonctionnel de bénéficier d'un reclassement, d'un congé spécial ou d'une indemnité de licenciement. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'article 67 de la loi du 26 janvier 1984 n'est plus applicable à la situation du fonctionnaire territorial qui demande le bénéfice de l'une des facultés qui lui sont offertes par les dispositions de l'article 53 de la même loi.

 

7. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que la commune de Colombes avait indiqué, à la date de la fin anticipée du détachement de M. A... en novembre 2007, qu'elle n'était pas en mesure de le réintégrer dans ses effectifs et, d'autre part, que ce dernier, après que le président de la communauté d'agglomération a refusé d'accéder à sa demande tendant à son reclassement dans les effectifs de la communauté d'agglomération, a formulé sa demande de congé spécial, en vertu de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984, auprès de la collectivité dans laquelle il a effectué son détachement, le 13 septembre 2011, soit pendant la période au titre de laquelle il était pris en charge en vertu de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984. Il suit de là que la communauté d'agglomération était tenue de lui accorder le bénéfice du congé spécial, dont il remplissait les conditions, sans qu'il soit besoin de vérifier si la commune de Colombes était en mesure de le réintégrer dans ses effectifs au moment où il a formulé cette demande de congé spécial. Ce motif, qui répond au moyen invoqué devant la cour et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ».

Texte(s) appliqué(s) :
Code général de la fonction publique - art. L. 544-1 - art. L. 544-2 - art. L. 544-3 - art. L. 544-4 - art. L. 544-5 - art. L. 544-6 - art. L. 544-7 - art. L. 513-20 - art. L. 513-21 - art. L. 513-22 - art. L. 513-23 - art. L. 513-24 - art. L. 513-25 - art.

L. 513-26 - art. L. 542-4 - art. L. 542-5 - art. L. 542-6 - art. L. 542-7 - art. L. 542-8 - art. L. 542-9 - art. L. 542-10 - art. L.

542-11 - art. L. 542-12 - art. L. 542-13 - art. L. 542-14 - art. L. 542-15 - art. L. 542-16 - art. L. 542-17 - art. L. 542-18 -

art. L. 542-19 - art. L. 542-20 - art. L. 542-21 - art. L. 542-22 - art. L. 542-23 - art. L. 542-24 - art. L. 544-11 - art. L. 544-12 - art. L. 544-13 - art. L. 544-14 - art. L. 544-15 - art. L. 544-16

Loi n° 84-53 du 26-01-1984 - art. 53 - art. 67 - art. 97 - art. 99

 
 

 

 

(1) Un directeur territorial, alors en fonction au sein de la direction générale d'une commune, a été détaché pour cinq années auprès d'une communauté d'agglomération sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services (DGS). Son président a mis fin à ce détachement moins d'une année après son recrutement. Sa collectivité d'origine a refusé sa réintégration, faute d'emploi vacant. Il a alors demandé son reclassement en surnombre dans les effectifs de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI), sa collectivité d'origine, ce qui lui a été refusé. C'est dans ces conditions qu'il a été pris en charge par le Centre national de la fonction publique (CNFPT) durant une année, puis par le centre de gestion de la collectivité d'accueil, en application des dispositions de l'article 97 I de la loi statutaire. Par la suite, il a sollicité de l'EPCI le bénéfice du congé spécial, ce qui lui a également été refusé. Il s'est alors retourné vers sa collectivité d'origine pour obtenir sa réintégration, en vain, le maire le renvoyant à l'EPCI au motif que son président aurait dû lui accorder le congé spécial sollicité. En l'absence de rémunération, le centre de gestion a rétabli la prise en charge de l'agent et s'est retourné vers la communauté d'agglomération pour obtenir le remboursement des sommes versées, ce qui a lui été refusé. Le centre de gestion a alors saisi le juge administratif mettant en cause la responsabilité de l'EPCI. Le tribunal administratif de Versailles ayant rejeté sa requête, faute pour la collectivité d'origine d'avoir établi ne pas être en mesure de proposer un poste à son agent, il a relevé appel du jugement et obtenu la condamnation de l'EPCI à lui verser la somme de 254 746,43 € assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation (CAA Versailles, 2 juill. 2020, n° 17VE02653 ). La communauté d'agglomération s'est pourvue en cassation contre cet arrêt.

 

La Haute juridiction administrative était ainsi appelée à déterminer la combinaison de l'ensemble des dispositifs relatifs à la fin de détachement d'un fonctionnaire déchargé, et tout particulièrement à préciser si l'obligation de réintégration du fonctionnaire surgit après qu'il a demandé le bénéfice d'une des deux options offertes par l'article 53 de la loi statutaire.

 

Un fonctionnaire, dont il est mis fin de manière anticipée au détachement sur un emploi fonctionnel, bénéficie d'une protection particulière, destinée à compenser la précarité de sa situation et notamment la facilité de rupture de son engagement par son employeur, en particulier pour simple perte de confiance.

 

Aux termes des dispositions de l'article 53 de la loi statutaire, ce fonctionnaire est en principe réintégré dans son corps ou son cadre d'emploi d'origine et réaffecté à la première vacance d'emploi correspondant à son grade dans sa collectivité d'origine, ainsi que ceux qui deviennent vacants (CE 8 juill. 2020, n° 423759, M. S., Lebon ; AJDA 2020. 1448  ).

 

À défaut d'emploi vacant, il peut opter entre trois choix :

 

-   demander à être reclassé en étant maintenu d'abord en surnombre durant une année, ensuite pris en charge par le

CNFPT puis le centre de gestion (art. 97 et 97 bis de la loi statutaire, devenus art. L. 542-4 et s. du CGFP) ;

 

-  bénéficier d'un congé spécial, avant d'être admis d'office à la retraite, sur le fondement des dispositions de l'article 99 de la même loi (CGFP, art. L. 544-1     s.) ;

 

-  quitter la fonction publique et solliciter une indemnité de licenciement (art. 98 de la loi statutaire, devenu art. L. 544-6 du CGFP).

 

La question de la combinaison de ces régimes entre les collectivités d'origine et d'accueil n'est pas nouvelle. Le Conseil d'État a été, dès 2009, amené à préciser que, d'une manière générale, il appartient à la collectivité d'origine de procéder à la réintégration du fonctionnaire en fin de détachement normal (CE 30 mars 2009, n° 306991 , Cne de Lons-le-Saunier, Lebon  ; AJDA 2009. 679  ; ibid. 1155 , note M.-C. Montecler ).

 

Mais la situation de l'espèce était particulière. En effet, le directeur territorial déchargé de fonctions se trouvait pris en tenaille entre deux collectivités employeuses, au point de se voir privé d'emploi et de rémunération, sans le secours du centre de gestion qui a assumé tant la prise en charge de l'agent qu'indirectement la défense de ses droits.

 

Suivant les conclusions de sa rapporteure publique, le Conseil d'État a dégagé une solution permettant d'assurer la protection du fonctionnaire, en jugeant que le régime général du fonctionnaire dont le détachement sur un emploi fonctionnel a pris fin, lui donne droit à réintégration dans sa collectivité d'origine, mais ne lui impose pas ensuite, dès lors qu'il a opté pour l'une des dispositions particulières du régime spécial, de demander de nouveau sa réintégration en l'absence d'emploi vacant.

 

Incidemment, le Conseil d'État rappelle que la date de congé spécial débute à l'âge légal de départ en retraite de l'agent.

 

Cette décision sera mentionnée au Lebon       .

 

Rappel pratique
 

Le fonctionnaire territorial détaché dans un emploi fonctionnel dans une autre collectivité, dont il est mis fin aux fonctions de manière anticipée, est en principe réintégré dans sa collectivité d'origine dans son cadre d'emploi et réaffecté à la première vacance ou création d'emploi correspondant à son grade. En l'absence d'emploi correspondant à la date à laquelle le détachement prend fin, il est en droit de demander à la collectivité d'accueil de bénéficier d'un reclassement, d'un congé spécial ou d'une indemnité de licenciement.

 

Le fonctionnaire peut se prévaloir auprès de la collectivité d'accueil des dispositions de l'article 53 (CGFP, art. L. 544-1 à L. 544-7  ) en demandant son reclassement, un congé spécial ou une indemnité de licenciement, sans qu'il soit besoin pour l'agent ou le juge de vérifier que la collectivité d'origine n'était pas en mesure, à la date de cette nouvelle demande, de vérifier si elle était en capacité ou non de le réintégrer dans ses effectifs.

Delphine Krust, Avocate au Barreau de Paris, SCP KRUST - PENAUD

 

Article paru à l'AJCT Dalloz du mois de juin 2023, p. 385.

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