Par un arrêt du 27 juin 2012 à paraître au Recueil Lebon, le Conseil d’État tranche la question du calcul de l’indemnité de licenciement due à un agent public ayant été intégré au sein d’une collectivité territoriale après transfert de l’activité économique, par cette collectivité (CE 27 juin 2012, Mme Paulette B., req. n° 335481).
En l’espèce, une lingère d’un foyer logement pour personnes âgées avait été recrutée par une congrégation, organisme de droit privé, au mois de février 1992. La gestion de ce foyer a été reprise par le CCAS de la commune de Lannion en 2004. Une année plus tard, cette lingère ayant été constatée inapte physiquement à l’exercice de ses fonctions, a été licenciée par l’établissement public communal qui ne lui avait versé qu’une indemnisation correspondant à une année d’ancienneté, au motif qu’étant un agent public, son ancienneté courait à compter de son intégration au sein de la collectivité.
Après avoir vainement contesté cette décision de la priver de l’intégralité de son ancienneté dans ses fonctions, y compris au sein de la congrégation pour le calcul de l’indemnité de licenciement due, devant le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel, elle a saisi le Conseil d’État, sollicitant l’annulation de ces décisions, le versement de l’indemnité courant à compter de son engagement au sein de la congrégation depuis février 1992, et qu’il soit prononcé injonction de réviser et lui verser le montant de son indemnité de licenciement.
Le Conseil d’État, dans cette décision de principe, fait entièrement droit à cette demande.
Ce faisant, il fait application des dispositions de l’article L. 122-12 du Code du travail alors applicable (désormais codifiées à l’article L. 1224-1) ainsi que de la directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise, d’établissement ou de partie d’établissement.
Il rappelle tout d’abord qu’en application de ces dispositions, le transfert d’activité d’une entité économique implique la reprise des contrats de travail des salariés de cette structure par la personne publique. Lorsque celle-ci gère un service public à caractère administratif, ces salariés bénéficient d’un contrat de droit public qui doit reprendre les clauses substantielles de leur ancien contrat, dans la mesure où les dispositions législatives ou réglementaires n’y font pas obstacle. La Haute juridiction administrative écarte l’application du décret du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique aux termes duquel sont définies les modalités de calcul de l’indemnité de licenciement des agents de droit public ne permettant de prendre en compte que leur ancienneté au sein de la collectivité publique, considérant que les contrats des agents de droit public nés du transfert d’une activité économique à la collectivité n’entrent pas dans le champ d’application de ce règlement.
En deuxième lieu, le Conseil d’État pose le principe que l’ancienneté d’exercice de fonction de l’agent servant de base au calcul de l’indemnité de licenciement est fixée à la date à laquelle il a commencé ses activités, y compris au sein de l’entreprise privée dont l’activité a été transférée à la collectivité. Au cas particulier, le CCAS devait calculer le montant de l’indemnité de licenciement due à sa lingère remontant à la date de sa première embauche, à savoir en février 1992 et non à la date de son intégration au sein de l’établissement public et de la transformation de son contrat en contrat de droit public.
C’est ainsi que la requérante a obtenu non seulement l’annulation de la décision du président du CCAS de Lannion de ne lui verser qu’une indemnisation de licenciement calculée sur une année d’ancienneté, mais également l’injonction prononcée à l’encontre de l’autorité territoriale de réviser le montant de cette indemnité et de lui verser le complément calculé pour une ancienneté fixée à compter du mois de février 1992.
L’intérêt majeur de cette décision est de clarifier le régime juridique des agents publics issus du transfert de leur contrat de travail par la reprise de l’activité de service public à caractère administratif par une collectivité publique, faisant prévaloir les clauses essentielles de leur contrat de travail aux dispositions à caractère réglementaire. Le décret du 15 février 1988 portant petit statut des agents publics est ainsi écarté au bénéfice des stipulations conventionnelles.
Pour autant, la Haute juridiction administrative n’a pas exclu totalement et par principe l’application de ce règlement à la situation de ces agents transférés à la collectivité en application des dispositions du Code du travail. On peut donc penser qu’un inventaire de chacune des dispositions de ce règlement sera effectué pour l’imposer ou au contraire l’exclure, à l’occasion de l’exécution des contrats de droit public de ces agents transférés.
Documents associés à cette actualité : arret-ce-27-juin-2012.doc