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Non-conformité de l’article L. 7 du Code électoral à la Constitution

Le 27 octobre 2012
Non-conformité de l’article L. 7 du Code électoral à la Constitution

Dans une décision très attendue (2010-6/7 du 11 juin 2010), le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 11 juin 2010 sur une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité des dispositions de l’article L. 7 du Code électoral aux droits et libertés garantis par la Constitution, selon la nouvelle procédure de l’article 61-1 de la Constitution.

 

Des élus avaient été condamnés par les tribunaux correctionnels pour avoir commis des délits financiers et économiques, tels que visés par les dispositions des articles 432-10 à 432-16, 433-1 à 433-4 du Code pénal, à la perte des droits civiques, civils et de famille, entraînant la radiation des listes électorales et l’inéligibilité en application de l’article 7 du code électoral.

 

Ces dispositions ont été insérées par le législateur afin d’aggraver la sévérité des peines prononcées à l’égard des personnes dépositaires de l’autorité publique, chargées d’une mission de service public ou investies d’un mandat électif, condamnés pour des délits économiques et financiers (tels que concussion, corruption, prise illégale d’intérêt, favoritisme, et recel de ces délits). L’article L. 7 prévoit alors que les personnes condamnées pour les infractions précédemment énumérées « ne doivent pas être inscrites sur les listes électorales pendant un délai de 5 ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive ».

 

Le législateur a ainsi créé une peine automatique applicable de plein droit consistant en la radiation des listes électorales en cas de condamnation entraînant l’interdiction d’exercice des droits civiques, civils et de famille, a fortiori une fonction élective.

 

Ces dispositions ne manquaient pas de soulever une importante controverse.

 

A deux reprises, la Cour de cassation a fait application de ce texte (civ. 2, 3 février 2000, Mme Ferrari c/ Menut, bull. civ. II,n °24 ; civ. 2, 1er mars 2001, Procureur général près le cour de cassation, pourvoi n° 01-00584, Bull. civ. II, n° 33).

 

Le Conseil d’Etat avait pour sa part été appelé à statuer sur l’application de ces dispositions aux agents publics et avait écarté à cette occasion le moyen tiré de l’inconventionnalité de l’article 7 au regard des stipulations de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales considérant que la juridiction pénale avait la faculté de relever expressément la personne des interdictions, déchéances et incapacités électorales prescrites par l’article incriminé (CE sect. 1er juillet 2005, M. OUSTY, rec. p. 282).

 

Quant au gouvernement, il défendait l’application de l’article L. 7 du Code électoral, au motif qu’elles étaient nécessaires et non disproportionnées à la gravité des infractions financières et économiques (Rép. Min. n° 53683, 19 mars 20001, JOAN p. 1706).

 

Au milieu de ce concert favorable à l’applicabilité de l’article 7 du code électoral, le Conseil constitutionnel avait, pour sa part, au contraire, sanctionné une loi qui prévoyait l’application de plein droit de l’incapacité d’exercer une fonction publique électorale pour les personnes frappés par une faillite personnelle prononcée judiciairement. Il a estimé que la privation des droits civiques, civils et de famille méconnaissait le principe de nécessité des peines et devait donc être considérée comme contraire à la constitution (CC décision n° 996410 DC du 15 mars 1999).

 

Transposant cette solution à la question prioritaire de constitutionnalité tranchée le 11 juin 2010, la Conseil a rappelé que :

 

-         la radiation des listes électorales constitue une sanction ayant le caractère d’une punition, à l’instar de ce que l’ensemble des juridictions avaient admis ;

-         l‘article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 institue le principe d’individualisation des peines, qui implique « que la peine emportant inscription sur la liste électorale et l’incapacité d’exercer une fonction publique élective qui en résulte ne peut être appliquée que si le juge l’a expressément prononcée, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce » ;

-         la circonstance que le juge dispose d’une faculté de relever l’auteur des infractions visées par le Code pénal de l’incapacité inscrite à l’article L. 7 du Code électoral ne permet pas d’assurer le respect de ce principe.

 

Ces dispositions sont donc déclarées contraires à la Constitution.

 

 

Le Conseil constitutionnel a enfin précisé les effets de sa décision, notamment dans le temps. Il prononce l’abrogation des dispositions querellées de l’article L. 7 à compter de la publication de sa décision et, pour les décisions passées, juge que toute personne ayant été condamnée à cette peine automatique recouvre la capacité de s’inscrire sur les listes électorales et demander son inscription immédiate sur cette liste.

 

Il résulte de cette décision que désormais, l’article L. 7 étant abrogé, nulle juridiction ne peut en faire application. Seules les peines complémentaires prévues par le Code pénal pour les délits économiques et financiers sont susceptibles d’être prononcées, y compris à des délits commis antérieurement à la décision du Conseil constitutionnel ou des peines prononcées  auparavant. Elles devront donc être prononcées expressément par le juge qui en fixera la durée, au regard des circonstances de l’affaire.

 

 

Pour élargir encore la portée de cette décision du Conseil constitutionnel, on constatera que cette décision n’épuise pas définitivement le sort des inéligibilités automatiques auxquels les élus sont exposés.

 

Ainsi, les articles LO 128 et LO 296 du Code électoral prévoient l’application de plein droit de l’inéligibilité pour une année du candidat aux élections législatives et sénatoriales dont le compte de campagne a été rejeté, notamment par le Conseil constitutionnel.

 

Il y a tout lieu de penser qu’à l’occasion des prochaines élections législatives et sénatoriales contestées devant le Conseil constitutionnel, il sera saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité de ces textes.

 

On se souvient d’ailleurs que le Conseil constitutionnel suggère depuis 2003  la modification de ce texte pour permettre au juge électoral de moduler les effets de la sanction d’inéligibilité en cas de méconnaissance des règles relatives au financement de la campagne électorale, pour lui permettre de prendre en compte la bonne foi du candidat, à l’instar de ce que le code prévoit pour les élections locales (article L. 118-3 ;observations du Conseil du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 9 et 16 juin 2002 du 15 mai 2003 ;  observations du Conseil du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 10 et 17 juin 2007 du 29 mai 2008)

 

 

La discussion portera dans ce cadre non plus tant sur la constitutionnalité de ce texte, mais sur la possibilité de saisir d’une QPC le juge constitutionnel en tant que juge électoral, alors que l’article 61-1 de la Constitution prévoit que seuls le Conseil d’Etat et la Cour de cassation peuvent renvoyer une QPC au Conseil constitutionnel.

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