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DSP : une publicité européenne ?

Le 12 juillet 2011
DSP : une publicité européenne ?

Le Conseil d’état a examiné le 6 mars dernier l’affaire dite de la publicité européenne des procédures de délégation des délégations de service public (site achatpublic.com).

Il convient de rappeler que le Tribunal administratif de Bordeaux avait été conduit à censurer une procédure de délégation de service public de transports au motif qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une publicité internationale, soit au JOUE, soit dans une revue économique spécialisée à rayonnement européen. Il en avait conclu que le pouvoir adjudicateur avait méconnu « le principe de transparence qui doit présider à l’organisation des procédures de délégation de service public comme à celles des procédures de marchés publics » (TA Bordeaux, décembre 2008, DBLM c/ Communauté Urbaine de Bordeaux, LCT n° 372, 15 janvier 2009).

En ce sens, plusieurs arguments pouvaient en effet être avancés. 

En premier lieu, l’importance économique du contrat était significative au regard des obligations de mise en concurrence européenne imposée par les directives « marchés » (2004/17 et 2004/18 du 31 mars 2005).

Cet argument est recevable comme l’a rappelé Monsieur Didier Casas dans ses conclusions sous l’arrêt EGS (CE 8 juillet 2005, Société EGS, BJDCP n° 43, p. 441) :

«  La passation d’une délégation de service public (peut) requérir une publicité dépassant le strict cadre national. Dans cette perspective, le JOUE peut alors être le support « adéquat » de cette publicité. Par conséquent, il y a des cas de délégations de services public qui peuvent justifier une publicité communautaire ».

Et Monsieur Casas avait d’ailleurs cité à cet égard les contrats de concessions de services publics et les contrats de délégations de services publics.

Le Tribunal administratif de PAU avait été sensible à cette conception puisqu'il avait justemenet rejeté le grief tiré d'une absence de publcité européenne en considérant que le faible intérêt du contrat en cause n'imposait pas une telle publicité (TA PAU 5 juin 2008, SYDEC c. SIAEP de Mugron, req. n° 0502209)

En deuxième lieu, la situation géographique de l’entité publique peut impliquer la mise en oeuvre d'une publicité européenne, comme l’a clairement posé la Cour de Justice des communautés européennes (arrêt Coname, CJCE, 21 juillet 2005, aff. C-231/03, concl. Avocat général Stix-Htckl, § 16).

Très récemment encore, la CJCE a consacré le critère de « l’intérêt transfrontalier » comme devant fonder l’obligation de publier une annonce de marché au niveau communautaire, en application du droit primaire (CJCE 13 novembre 2007, aff. C-507/03, Commission c/ Irlande, Contrats et Marchés publics, n° 1, janvier 2008, comm. 3).

La question juridique tranchée par cette décision portait sur l’étendue de l’obligation de transparence appliquée aux marchés de services « non prioritaires ».

La CJCE a considéré alors que les obligations de publicité prévues dans les directives pour les marchés relatifs aux services dits « non prioritaires » (relevant de l’annexe I B), doivent être considérées comme conformes au droit primaire, mais que  les règles fondamentales du droit communautaire, et notamment les principes consacrés par le traité en matière d’établissement et de libre prestation des services s’appliquent, même en cas d’existence d’une directive, « dans l’hypothèse où de tels marchés présenteraient néanmoins un intérêt transfrontalier certain » (§25 à 29).

Malgré ces arguments, il faut rappeler que la Haute juridiction administrative a déjà jugé que les dispositions textuelles de l’article R. 1411-1 du CGCT n’imposent que l’obligation d’adresser un avis de publicité du contrat dans un journal d’annonces légales. Elles sont suffisantes pour assurer l’a transparence des procédures. 

Pourtant, les conclusions du rapporteur public ne semblent pas suivre ce raisonnement.

En effet, d’après le site d’achatpublic.com, il aurait considéré qu’une publicité nationale serait de nature à garantir l’obligation de transparence et de non discrimination dès lors que les candidats, quelque soit leur nationalité, n’aurait qu’à exercer « une veille permanente afin d’être informée pour comprendre les pratiques des collectivités locales de service public » et de se tenir ainsi informées « des marchés qu’ils entendent investir ».

A son sens, seules les procédures de passation des délégation de service public organisées dans des Etats-membres ne disposant « d’aucune réglementation interne en matière de DSP et surtout de publicité » pourrait se voir imposer une publicité européenne.

Ce raisonnement nous semble d’emblée contestable.

Certes, il pose enfin le principe, même implicitement, de la nécessité d'organiser une publicité européenne préalable à l'attribution des contrats de délégation de service public. Le respect des prinicpes de transparence des procédures et de non discrimination des opérateurs économiques des Etats membres impose l'organisation d'une "publicité adaquate", au niveau européen selon les carctéristiques du contrat.

Mais la solution proposée par le rapporteur public fait fi de la barrière de la langue : seul le JOUE est traduit dans toutes les langues européennes et évidemment pas chacune des revues économiques des 27 Etats membres.

Or, considérer implicitement qu’un « portée à la connaissance » des entreprises européennes de l’existence des procédures de mise en concurrence des délégation de gestion des service public est nécessaire se heurte évidemment à la barrière de la langue des ressortissants de ces Etats-membres. Cet argument est donc en outre contraire à l’objectif accepté par le rapporteur public.

Enfin, il fait peser sur ces candidats une obligation de veille des marchés économiques de Etats-membres de l’Union européenne, particulièrement dispendieuse, qui nous semble porter atteinte au principe de non discrimination.

On peut craindre alors que ces conclusions aient pour seul objet, peut être louable, de tenter de sauver un dispositif légal national et de nombreuses procédures de mise en concurrence organisées sur ce fondement, sans respecter pour autant pour autant ni la lettre ni l’esprit du droit communautaire.

Reste encore à savoir si le Conseil d’Etat sera sensible à cette bonne volonté ou s’il fera prévaloir strictement le droit communautaire, malgré la rigueur de la sanction encourue.

Ce serait un opérer un vrai bouleversement juridique en faisant peser une obligation jusqu’alors à la charge des pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices, à la charge désormais des candidats potentiels.